Daniel Kay l'orpailleur

Le poète (et professeur) de Morlaix, Daniel Kay, a publié plusieurs recueils aux Éditions La part commune, dont Tombeau de Georges Perros. Il a écrit de nombreux articles sur la peinture et plusieurs livres d'artistes avec André Jolivet, Rodolphe Le Corre, Thierry Le Saëc, Maya Ménin, Brertrans Menguy, Yves Picquet, Michel Remaud, Véronique Sézap. Ses poèmes ont été édités dans les revues Théodore Balmoral, Rehaut" et la N.R.F.
L'auteur est aussi un peintre trop discret.

L'ensemble des poèmes de Vies silencieuses prolonge son travail pictural et son compagnonnage avec les peintres. Proche par l'écriture et le parcours autant de Perros que de Kenneth White l'auteur crée une cartographie intérieure de la vie et du travail de la peinture et de ce qu'elle provoque. Comme le prouve son "Souvenir d'atelier toscan" :

Dans l'atelier du maître ancien
on fabrique patiemment du bleu
au-dessus de quelque scène
champêtre ou religieuse.
En fin d'après-midi
sur la surface saturée d'apôtres,
de garces et d'antique stupeur
un ciel incendié s'applique à dévorer le bleu
derrière la nuque des personnages.


Tout un univers pictural diffus ne cesse de vibrer dans ces fragments concis. Ils sont autant d'impressions traduites avec humour et finesse. De chacun d'eux la peinture et la vie s'emplissent et grouillent. On pense parfois à Pessoa, là où La vague d’Alexander Harrison / vaut bien / Celle de Hokusai. Le talent s'y déploie sans que l'imagination se soumette totalement à la longe de la peinture.
Kay reste libre : "Tintin un peu triste" parfois (rarement) il s'éloigne de tout romantisme. Il regarde certes la peinture mais tout autant le monde en orpailleur au regard fascinant. Il scrute les signes du temps et des tableaux et se fait philosophe incisif au besoin. A la recherche du bleu (sa couleur fétiche) il avance aux milieu des Saintes Glaces à la recherche de la chaleur.

Le poème devient un acte de foi vibrant et rare dans la recherche de territoires intérieurs ignorés mais que l’œuvre d'art indique. Elle est pour lui objet de cristallisation vers l’essentiel : la fusion du signe et de la couleur. Les mots lui donne sens comme ils nous rappellent ce que les hommes, aventuriers ou Sisyphe,  font de leur vie.

Jean-Paul Gavard-Perret

Daniel Kay, Vies silencieuses, Gallimard, mai 2019, 128 p.-, 14,50 €
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