Les nuits et les jours de Georges Perros

Depuis Douarnenez où il se retira Georges Perros écrivit, après avoir renoncé à sa vie de comédien, une oeuvre directe où la poésie pris un nouveau sens. Son humour et son langage ont quelque chose de plus naturel que chez un Prévert auquel on l'a parfois rapproché.
Après les aphorismes et fragments des Papiers collés qui lui assurent une notoriété, Une vie ordinaire et surtout Poèmes bleus réédités aujourd'hui la renforcent. Bernard Noël - sensible à cette manière d'entrer en poésie par une porte apparemment petite mais qui est le fruit d'un travail parfait - la préface. Il sait combien ce qui se dit simplement ne se fait pas sans sueur. La poésie lorsqu'elle semble de tous les jours implique en effet un polissage particulier.

Il y a là l'évocation d'une Bretagne rude et puissante mais surtout la vie de celui qui en connaît ce qu'elle recèle de parodie absurde. "Nous sommes tous des damnés" rappelle Perros, et s'il ne souhaite ses nuits et ses jours à personne, il ne se veut en rien malheureux. Il avance en pliant seulement sous les fourches caudines du doute.

Mais celles de la poésie aussi. Ce que beaucoup prennent pour rien, Perros l'agite non en jouet métaphysique mais au besoin avec une susceptibilité toute animale. Reste là le goût de vivre. C'est elle qui tient la bourse mentale comme le fait l'épouse pour un marin.
Dès lors le geste très banal d'écrire, rappelle Noël, peut "illuminer la vie" près des côtes que Perros parcourait sur sa motocyclette. Il y rêvait tout haut ce qu'il allait écrire. Simplement. Superbement.
A lire ou relire.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Georges Perros, Poèmes bleus, préface de Bernard Noël, Poésie/Gallimard, mai 2019, 128 p., 6,40 euros
Prix Max-Jacob 1963
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