Armand Gatti, le prolétaire monégasque en appelle à la démesure

Il n’y a pas que des millionnaires sur le Rocher, il y a aussi des milliardaires et des sportifs exilés fiscaux ; il y eut, en son temps, Léo Ferré, qui n’adoubait pas vraiment l’argent (sic) ; et puis il y naquit, aussi, Armand Gatti quelques années après le poète-chanteur. Père balayeur, mère femme de ménage, est-ce pour autant qu’il ne devait pas aspirer à de hautes destinées, à l’envie d’ailleurs, à cette liberté que seuls offrent les mots ?
Au commencement était le verbe, lit-on dans la Bible, au commencement était donc Dieu… et Gatti de rugir devant ses élèves – qui étaient plus des compagnons de route, d’ailleurs : Voulez-vous être Dieu avec moi ?!
Voilà bien un appel à la démesure…

Mais quoi d’autre, finalement, que cette ire du réel à confondre avec les éléments du langage ? Quoi d’autre pour ne pas se foutre en l’air à lire les nouvelles du monde ? Et vous croyez qu’elles étaient plus douces à l’époque ?! Pourquoi donc les Hemingway & Fitzgerald buvaient-ils autant ? Pour oublier. Pour briser la lucidité qui brûle tout artiste…
Voilà donc Armand Gatti élevé au son de l’anarchie italienne portée par son père, rattrapé par la Seconde Guerre mondiale et la Résistance qui s’impose naturellement. Capturé à l’orée de ses dix-huit ans, il s’évade, fuit à Londres et débute alors une vie nomade hors norme.

Journaliste (prix Albert Londres, 1954), cinéaste, dramaturge, poète, éducateur, toutes les cordes à son arc pour tirer flèches et pics sur la société dévorante qui consomme les humains à haute vitesse. Quoi d’autre que la révolution comme réponse ? Mais encore, vers quelle révolution se tourner pour ne pas finir le bec dans l’eau à se retrouver au point de départ, encore plus muselé, enfermé sous le dogme qu’avant ?

Se parler ? Les mots de ces nuits sans jambes
ne sont que l'attente d'une absence,
et ceux dont ils sont les cornes de brume
des êtres-bouée sur une mer de reflets !
(Une façon qu'à l'univers de se penser.)
Les derniers lieux traversés seront leur testament.


Questionnement incessant, cette poésie dont le point d’orgue sera un recueil de 1700 pages, s’ouvre à toutes les formes, métaphysique, lyrique, narrative…
Voyage en au-delà de soi. Gatti ou l’autre vie.

François Xavier

Armand Gatti, Comme battements d’ailes, choix et préface de Michel Séonnet, Poésie/Gallimard n° 546, juin 2019, 224 p. – 9,00 €

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