Gérard Macé lecteur de Sade

Comment présenter Sade au lecteur de bonne foi ? Comment le persuader que l’érotisme, malgré tant de scènes de débauche, est loin de résumer l’homme ou l’œuvre ? écrit Gérard Macé pour annoncer son livre et sa révision des idées reçues sur l'auteur prolifique souvent réduit à une portion congrue sans comprendre tout ce que sa passion engageait sur le plan politique au sens le plus large du terme.

Dans Idées sur le roman Sade eut soin de rappeler que ce n’est pas toujours en faisant triompher la vertu qu’on intéresse, et il ne cessa de passer de la maxime à l'exemple. C'est d'ailleurs de là que lui revient sa notoriété et son transfert des noms propres à un registre commun.

Néanmoins le concept de vertu – et son opposé le mal – dépassent la sphère sexuelle. Et si la délirante hubris est la marque des libertins du délicieux marquis, le sens de son œuvre est bien plus que cela. Et Macé le rappelle : le révoltant est révolté. C'est un polémiste, un analyste politique. Il crée, par ses divers types de théâtralisations, des comédies de mœurs, de situations et de caractères.

Armé, écrit Macé, d'un athéisme radical et la volonté d’en finir avec les tyrans, Sade s'est aventuré vers l'ethnographie et l'anthropologie dont, écrit encore l'essayiste, il est le précurseur en héritier des Lumières. Mais de fait il n'en est pas le débiteur, il appartient totalement aux iconclastes du siècle et reste souvent plus en avance qu'eux.

Sade demeure un des seuls en son siècle à s'élever contre les tyrans. C'est pourquoi ses textes demeurent des brulots. Avant même la Révolution il anticipa et mit à mal ceux qui se voudront "père des peuples" ou prêtre de l’être suprême. Le rire de Sade est à ce titre le pessimisme actif que souligne superbement Macé.  
L'auteur des Prospérités du vice a largement élargi son domaine bien au delà des alcôves. Il dit aux matérialismes et aux métaphysiques leurs faits. Son œuvre reste toujours l'essence des anti-pouvoirs – ce qui est rarement souligné. Comment dès lors définir le divin Marquis sinon par le bel adjectif de sardonique ?

Jean-Paul Gavard-Perret

Gérard Macé, Et je vous offre le néant, Gallimard, octobre 2019, 144 p.-, 19 €
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