Romain Graziani contre Schopenhauer

Romain Graziani prend à revers sinon la pensée du moins le titre du livre le plus célèbre de Schopenhauer. Il propose le monde – du moins sa préhension – comme objet d'anti volonté et d'anti-représentation.

Il prouve combien l'exercice de l'existence demande avant tout une disponibilité héritée de la culture chinoise. Ce vide (qui n'est pas celui des abîmes mais un état de disponibilité non fléchée) devient créateur. Il permet à tout individu d'oublier buts et visées présupposées en se mettant en adéquation et disponibilité aux situations et à ce qui arrive.

Graziani casse un réflexe trop occidental à travers une pléiade de témoignages. Ils tordent le cou au volontarisme. Et ce à partir des livres de sagesse extrême orientale comme par le témoignage livresque du joueur de tennis André Agassi ou du travail de Glenn Gould.

Il ramène aussi au politique à travers d'autres preuves – celles de Tocqueville par exemple. Cette sagesse évite à l'être de s'effondrer et aussi de séduire. Mais si l'action devient moins un ciblage qu'un laisser faire, celui-ci n'est pas un simple abandon car il est implicitement armé de ce qu'un individu a appris et connaît.

Il ne s'agit plus de tenir pour capter mais de savoir oublier l'objectif afin de mieux le saisir. Existe implicitement de quoi arriver à ses fins. Cet essai de sagesse n'a donc rien de Taoïste. Il est plus complexe que cela. Et c'est ce qui fait son originalité.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Romain Graziani, L'usage du vide. Essai sur l'intelligence de l'action, de l'Europe à la Chine, coll. "Bibliothèque des idées", Gallimard, septembre 2019, 272 p.-, 21 €
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