Anna Ayanoglou, le nom, le corps, l’espace

Exploratrice des confins (ici de l’Europe baltique), Anna Ayanoglou semble errer par ses poèmes dans un monde de rues désertes noyées sous le feuillage. S'y perçoit les remugles des tragédies nazies et marxistes qui y sont passés au siècle dernier.
Des instants décalés et discrets et tout un univers familier hantent ce beau livre, et ce, dans les venelles, dans les cours comme dans des greniers défendus. C'est une expérience d'une perte collective mais aussi amoureuse.

Si bien qu'Aya Ayanaglou crée un paradoxal travail de désœuvrement cher à Blanchot. Non que la poétesse soit ici une pure adepte des négations  mais elle a compris que pour faire avancer sa propre histoire et l'Histoire une telle stratégie poétique est indispensable.

Pour l'auteure séparée de son amour ne reste que des traces d’égarée, des revendications illusoires. C’est pourquoi elle joue avec quelques mots pour croire se sentir exister.
Le poème constitue la trace maculaire majeure de la déchirure et de l'absence. Il s'agit donc bien de dire par fragments et ruines là où le trou du réel pourrait avoir l'attraction de celui du néant.

Mais Anna Ayanoglou se rebiffe. Il s'agit de sauver de la chair du monde et – dans un certain interdit de la langue – ce qui peut l'être du sens. Si la langue est encore un peu vivante c’est d’ailleurs juste pour tenir ce fil et le réparer.

Jean-Paul Gavard-Perret

Anna Ayanoglou, Le fil des traversées, coll. Blanche, Gallimard, novembre 2019, 104 p. -, 12,50 €

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