Julien Battesti entre Michèle Causse et Bartleby

Dans ce roman, le monde continue comme en absence (relative) du narrateur – étudiant en théologie – coincée par la fin de vie et la faim de livres.
Il ne bouge presque plus à cause d'un traitement qui lui donne une paradoxale autonomie inhumaine ou christique. Elle le coupe du monde et le replie sur ses cogitations.
D'où ces variations Bartleby où bien des choses s'enchainent du côté de la mort de manière parfois sordide. Se croise (et bien plus) Michelle Causse qui ne fut pas pour rien dans la littérature par ses textes et ses traductions. Née en 1936 au Québec elle est morte en 2010 par suicide assisté par l’association Dignitas à Zurich.
Elle a inventé le néologisme dé/naître, euphémisme pour mourir et c'est à partir de là comme autour du roman de Melville que le livre se tisse. Certes ses éléments disparates sont filés parfois en de grosses ficelles. La juxtaposition est lourde et téléphonée dans une paraphrase du héros de Melville et sa difficulté d'être. Si bien que dans ce texte où se touille la désolation l'auteur en remue parfois moins la crème que le pot.
Il existe pourtant une belle sagesse : Battesti rappelle un point essentiel : nous ne sommes que par les livres que nous avons lu. Et l'auteur crée une suite de correspondances subtiles entre gravité, deliaison, ironie et dérision.
La théorie de ce "dé/naître" de Michel Causse renvoie au personnage de Bartleby. Cela est plus qu'intéressant. Et par delà une certaine froideur, l'auteur propose un croisement inédit. Il remet en vue à la fois Melville (qui n'en n'a pas besoin) mais surtout Michelle Causse. C'est un bel hommage que l'auteur lui offre.
Jean-Paul Gavard-Perret
Julien Battesti, L'imitation de Bartleby, coll. "L'infini", Gallimard, octobre, 2019, 128 p.-, 12 €
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