Les folles du logis – Nelly Alard

Quand on ne connaît pas sa mère, on ne comprend pas ce qu’on fait sur cette terre», m’avait dit Caroline, écrit la narratrice. Dès lors elle a voulu tout savoir sur la vie d'Elissa Landi. Elle a trouvé dans des cartons tout ce qu'elle attendait (voire plus) sous forme de coupures de presse, photographies, contrats avec ses agents et ses producteurs, programmes, agendas et lettres. Des milliers de lettres. Mais ce n’était pas tout. Il y avait aussi la vie de la mère d’Elissa, Karoline Zanardi Landi, la soi-disant fille secrète de l’impératrice Sissi qualifiée par les historiens de mythomane.

Nelly Allard fait dans cette reprise preuve de grâce par sa volonté de saisir parfaitement les sentiments ou l'émotion au sein de toutes ses nuances. L'écrivaine rappelle, avec intelligence et élégance, combien il est intolérable d'aimer, de ne plus aimer, de douter de ses sentiments et de ses possibilités, de souffrir, de faire souffrir. Le tout dans une mystérieuse complexité venue d'histoires improbables et méandreuses à souhait entre vieux et nouveau monde.

Le roman d'abord léger devient de plus en plus sombre. Car – et entre autres ingrédients – à l'amour se juxtapose la haine. Dans le chaos invraisemblable des vies de Karoline Zanardi et sa fille Elissa, étoile filante d’Hollywood, la narratrice reste à l'aise. Attachée à la confiance que lui a accordé Caroline, la narratrice démêle l'histoire. Et puisque la fiction à laquelle elle avait cru depuis son enfance s’effondrait de toutes parts par sa faute, la seule manière de réparer les dégâts était pour la narratrice de remonter les indices et les traces de l'histoire. Et qu'importe après tous les incidents et les incidences.

Et même s'il y a loin de la coupe aux lèvres dans les vies rêvées ou vécues, le roman dessine avec lucidité ironique une façon d'écorcher jusque ce qu'il faut des personnages hors du commun (enfin presque) dont elle voit les limites, la folie tout en gardant pour eux beaucoup d'indulgence et de tendresse.

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Nelly Alard, La vie que tu t’étais imaginée, coll. Blanche, Gallimard, janvier 2020, 464 p.-, 21 €
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