Fabrice Humbert : avec le temps

Beaucoup de temps est passé lorsqu'Adam Vollmann - journaliste au New Yorker - découvre sur les écrans de Times Square un ennemi publique recherché dans tous le pays. Adam le connaît bien : il s’agit d’Ethan Shaw qui - vingt ans auparavant - était la star du lycée et son seul ami. :
"Je l’ai rencontré il y a bien longtemps, par un jour d’hiver, sautant de sa voiture et grimpant quatre à quatre les marches du lycée Franklin. C’est le souvenir le plus vivace que j’aie de lui, une impression inégalable d’éclat et de beauté."

Il est accusé d’avoir violé et tué une jeune Mexicaine. Mais Adam refuse de croire ce que les médias affirment. Il retourne à Drysden, où tout a commencé pour filer sa propre enquête : "alors que cet homme était devenu une image détestée, j’ai tenté de le sauver. J’aurais aimé qu’on sache qui il était vraiment." Mais ses ceritudes vacillent.
Et c'est ce qui donne toute la puissance à un roman en rien anecdotique : il offre une réflexion sur une société aveuglée par le mensonge et où réalité et fiction ne font qu’un.

Chaque indice du roman est lui-même une fable de la perte plus que celle d’un aboutissement. Et le romancier prouve son aptitude à rendre les êtres vivants à travers les représentations et les situations qu'il imagine. L'accumulation des moments chocs construit un univers dont les clés échappent au personnage. En effet l'enquête ressemble parfois à une débandade au seins de miroirs déformants et fallacieux. Et Fabrice Humbert, pour dégager le faux du vrai, le blé de l'ivraie, se fait lui-même agent-secret face aux imposteurs et impostures.

Son roman en détourne tout en les insérant dans leur époque qui est la nôtre.
 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Fabrice Humbert, Le monde n'existe pas, Gallimard, janvier 2020, 256 p.-, 19 €

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