Fabrice Caro et les méphistos faits d'aise

Après le succès de son roman Le Discours qui va être porté à l'écran en octobre, le dessinateur de B.D. et écrivain Fabrice Caro confirme tout son talent dans Broadway. S'y mêlent des situations désopilantes à l'existentielle mélancolie au non d'une nostalgie de temps qui ne sont pas ce que Axel – le héros – voudrait qu'ils soient.

Tout part de son quotidien au sein d'une classe moyenne francilienne en lotissement. L'espace est propre à bien des barbecues dès que le printemps revient et que soudain s'envisage – pour l'été d'après – un paddle à Biarritz avec un couple d’amis.

A priori la perspective est enchanteresse. Certes le héros affirme : Si je devais établir une liste de mes vacances idéales, le paddle à Biarritz avec un couple d'amis n’apparaîtrait pas sur la feuille, ni au dos, ni dans le cahier tout entier.
Mais le soir où l'ami lance cette idée il n'est pas question de faire triste figure – même  si Axel a bien des ressemblances avec le héros de Cervantès. Et celui-là d'emprunter un sourire franc et massif  pour ne pas détonner dans l'effervescence ambiante, un sourire de photo de mariage, sans même savoir ce que signifiait le mot paddle.

Très vite il déchante – et le savait déjà par avance : On me proposait d'aller ramer debout sur une planche en caleçon de bain [...] visage grimaçant de douleur et d'effort, tentant de rattraper à vingt mètres devant moi Denis et ses pectoraux fermes et tendus sous le vent océanique.
Tout va tourner au désenchantement habituel car rien de ce que le héros espère (enfin presque) ne se confirme.

Il s'estimait digne d'être soulevé dans une comédie musicale à la Broadway mais souvent il se retrouve rivé à des spectacles foireux de fin d’année. Néanmoins le temps semble venu pour Axel de tout quitter, de partir en urgence  à Buenos Aires, au lieu de rentrer du travail. Et qu'importe les apéros de la communauté lotissante...
Mais il y a loin de la coupe aux lèvres et le lecteur ou la lectrice se trouve enchanté par ce spectacle d'un déclin programmé et d'espoirs éventés. Pas question pour autant d'en faire une choucroute. Et à bon entendeur salut !

Qu'importe le paddle ou les rêves pourvu qu'on tienne en équilibre sur ce que l'existence propose. Le roman est donc à lire sans faute pour apprendre à vivre tant que faire se peut. Car nous aussi sommes les otages irremplaçables dans la passivité au nom d’un événement rêvé non du passé mais immémorial et vécu dans le présent comme revenant...
 

Jean-Paul Gavard-Perret
 

Fabrice Caro, Broadway, coll. Sygne, Gallimard, août 2020, 208 p.-, 18 €
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