A travers la rédaction de son journal intime qui s'enrichit de ses propres photos, Patti Smith poursuit sa route et la commente au moment où les anecdotes perdent leur caractère bling-bling – comme c'était parfois le cas dans ses livres précédents.
Ici – sans doute plus fatiguée qu'avant mais toujours altière – l'auteur sait encore savourer la vie en regardant par exemple sur sa petite télévision Aurore Clément plus  blonde que jamais   chuchoter en français en bourrant une petite pipe d'opium.

Remonte dans cette année comme toujours de virevoltantes frénésies du temps passé qui font aussi bien le réel que la réalité elle-même. D'autant que celle-ci  ne se lit toujours qu'à l'aune du souvenir.
Mais un tel livre permet de régler le propre désordre de sa rédactrice. Et avec le temps il se nourrit d'une sagesse qu'on peut nommer mystique dans la caresse du soir de l'existence.

Patti Smith y évoque les instants et ce qu'il font remonter avec douceur là où parfois elle se déplace dans une sorte de lumière artificielle aux bords corrosifs. Mais face aux toxicités du monde la créatrice oppose sa manière de les traverser sans illusions mais sans désillusions non plus.
C'est ce qui donne la puissance au texte. Il se termine superbement dans un en guise d'épilogue où tout est dit comme s'il s'agissait d'un testament où l'on "entend" une fois encore la voix de celle qui est devenue auteure à part entière. Elle y évoque l'espoir là où pourtant le sang des innocents  se répand par les "armes" et les injustices.

L'air reste brûlant. Le souffle remue la solitude. L'auteure parvient à enchanter le temps dans ce qui scintille encore  au fil de cette année "siliesque" mais pas seulement. Une lumière perdure et son éclat berce au sein d'une écriture ailée, charnelle et empreinte aussi de spiritualité. Un mouvement demeure au nom de l'amour et contre les dynamiques mortifères.
 

Jean-Paul Gavard-Perret
 

Patti Smith, L'année du Singe, Gallimard, octobre 2020 180 p.-, 18 €
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