Bruno de Stabenrath et l'ami

Ce livre pourrait paraître opportuniste tant il vogue sur un fait divers qui passionne les Français. Mais ce qui le justifie reste le style de son auteur. Celui-ci précise son objet et sa fascination en s'adressant à Xavier de Ligonnès lui-même : Je t’écris depuis longtemps et je continuerai à le faire car ces mots, mon ami, je les adresse à toi, rien qu’à toi. Ils portent en eux les fulgurances de notre rencontre, l’aventure de notre amitié, la vérité de notre histoire.

L'auteur connaît en effet Xavier de Ligonnès depuis plus de 40 ans. Leur amitié est née dans un lycée chic de Versailles, elle est restée profonde et sincère. Le fugitif a même aidé l'auteur lorsqu'il était mal en point et il lui en sait gré. Pour preuve il l'attend toujours, pour l'accueillir même si le personnage suggère plus qu'un malaise eu égard aux crimes qu'il a commis pour sevir sa cause ou peut-être se sauver de la ruine aussi financière qu'affective.

L’œuvre est littéraire jusque dans son caractère d'enquête. Et le portrait intime restitue la jeunesse, puis la vie de famille de cet homme énigmatique dont l'auteur tente de percer les secrets. Bruno de Stabenrath se fait en ce sens mémorialiste pour détailler une vie opaque induite par une mère créatrice d'une secte (Philadelphia) et qui vit en son fils un Elu qui ne peut avoir commis ce dont on l'accuse.
L'auteur rentre dans les péripéties d'une telle histoire. Elle bascule à partir de 2008 surtout après la mort de deux de ses amis intimes. L'auteur se livre au triolisme en des clubs libertins pour sauver son mariage. Sans doute pour des raisons pécuniaires : sans sa femme, De Ligonnès est définitivement ruiné.

Pervers narcissique et mythomane en apparence, le fuyard – tel que l'auteur l'estime puisqu'il le croit encore vivant – est pour ce dernier plus complexe que ça. Le texte tendu décrit celui qui semble être vu partout donc nulle part et qui avant de disparaître fila un amour plus ou moins parfait avec Catherine sa maîtresse à laquelle il emprunte de l'argent.

Mais les jeux sont déjà faits et sa décision est prise un an avant de se réaliser et d'être mise en scène à travers plusieurs lettres et listings précis. Preuve que la fureur et la violence avaient mûris et que les actes en deviennent plus horribles. Nous plongeons de plein pied dans l'énigme et les obsessions du héros.
L'auteur les écrit non sans une forme de compassion non pour accéder à une vérité mais pour comprendre celui qui est (ou fut) un raté calculateur qui n'eut pas les moyens de ses ambitions. Elles le poussèrent à des actes paroxysmiques. Ils ne peuvent qu'inspirer le dégoût mais derrière eux se cache à  tous les sens de terme et malgré tout un homme. Selon l'écrivain il n'a jamais eu envie de mourir et reste quelque part en cavale.
 

Jean-Paul Gavard-Perret
 

Bruno de Stabenrath, L'ami impossible, coll. Blanche, Gallimard, octobre 2020, 528 p.-, 22 €
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