La supplique de Christèle Wurmser

Dans ce roman la narratrice s'adresse à son amant. Du moins l'Absent. Et donc celui qui manque plus que tous les autres. Elle écrit pour qu'il reprenne corps. Et elle aussi, dans un beau lit : J’y serais couchée avec lui aussi intimement qu’en des draps avec vous.
Mais ne nous y trompons pas : ce "vous" est parti avec sa carrure et ses vraies paumes qui pètent de désir et dont j’aime lécher les frontières salines. Puisqu'il a filé en se défilant, écrire pour lui parler, c'est reprendre vie, sexe et âme.
Il faut agir de la sorte pour ne pas piquer une crise. Et ne pas devenir folle ou comme l'héroïne de René de Obaldia qui passait son temps dans sa cuisine à éplucher des pommes de terre.
Ce serait une autre douce errance et la narratrice en convient. Mais au regard de la dérive du monde où nous vivons, est-ce' suffisant ? Sans doute pas. Et celle qui s'adresse à l'amant disparu porte sa croix sur ses épaules – ou plus exactement dans son cœur et son corps.
Les mots sont là pour non seulement un appel mais une transfiguration en passant du corps de l'autre à sa propre "persona". Cela pourrait sembler prosaïque mais ce ne l'est pas.
Les dévoilements de la correspondante abandonnée cherchent avant tout un cerclage particulier par le jeux de ses mots afin que l'enchantement opère de manière simple, efficace, astucieuse. Tout tient d'un rite que l'auteure met en marche afin que la "peau" de l'homme partie ne fasse pas pléonasme avec celle du réel.
À ses ombres enchanteresses fait place une matérialité plus probante. Elle capte les flux de lumière au cœur de l’obscur. Si bien que cette histoire est plus vraie que nature. Dans le nocturne féminin et en des remise en scènes, les aspirations deviennent habilement contradictoires. Elles fragilisent le lecteur.. Il ne sait plus quoi penser. Mais qu'importe toutefois. Mais il faut pour réussir un tel roman le langage nécessaire pour exprimer un tel rêve car à mesure qu'il s'efface il convient de savoir ce qu'il faut en retenir. Ce langage Christèle Wurmser l'a trouvé,
Jean-Paul Gavard-Perret
Christèle Wurmser, Même les anges, Gallimard, mars 2021, 320 p.-, 20 €
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