À laine de pingouins : Xavier Gorce

En écho à  l'affaire Duhamel, Xavier Gorce publia un dessin humoristique sur le sujet de la pédophilie via ses pingouins de la série Les Indégivrables.
Mal lui en pris et la rédaction du Monde se sentit "obligée" de se fendre  d'excuses auprès des abonnés que le dessin aurait pu heurter. Selon elle,  il aurait pu être compris comme une relativisation de la gravité des faits d’inceste, en des termes déplacés vis-à-vis des victimes et des personnes transgenres.

Et alors ?! serait-on tenté de répliquer. D'autant que si erreur il  y eut (ce qui reste à prouver) chaque journal (Le Monde en premier) en commet. Mais le dessin de Xavier Gorce en était-il ? Pas sûr.   Mais selon le journal du soir certaines victimes (ou non) de l'inceste se seraient cru offensées et apparemment l'on fait savoir.

 

À tort ou à raison là n'est pas le problème. D'autant que l'humour est fait pour gratter là où à ça démange. Mais apparemment la peau (et quelle qu'en soit la couleur) de nos contemporains est fragile.  Tout est désormais programmé pour la grande victoire d'un ressenti jugé plus important que la factualité. Elle doit être substituée aux avis d'une offuscation généralisée qui plombe toute possibilité d'humour. Cette dérive met la démocratie en péril.

Si bien qu'à pingouin  pingouin à demi. Ce ne sont plus les journaux d'information mais Twitter, les réseaux sociaux, les populistes qui les orchestrent et ses relais médiateurs à la CNews qui font la loi et la morale. A savoir celle des chiens qui se croient de garde. Ils imposent la régulation ayatollesque des nouvelles inquisitions.

L'intolérance est de mise chez les militants de l'indignation. Ils peuvent parfois défaire sine-die des carrières, des réputations moins dans un souci d'information que de militantisme. Dès lors plus question d'accepter ce qui est censé blesser ou blasphémer. La paranoïa organisée de nouvelles inquisitions suit son cours.  La tétanisation est donc de mise au nom d'un prétendu état de l'opinion.

C'est oublier sans ironie sur toute sacralisation rien n'est possible. C'est aussi enfermer dans des identités qui sont plus plurielles que ne le croient les inquisiteurs. Se voit combien notre société dévie dangereusement. Gorce le rappelle. Il n'a pas hésité à démissionner du prestigieux journal qui s'obligea à des rodomontades d'un moralisme d'assignation en marche pour un dépeçage de la liberté dont l'humour et l'ironie sont les nécessités.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Xavier Gorce, Raison et dérision, Tracts (N°28), Gallimard, 48 p.-, mai 2021, 3,49 €
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