Orlan au delà de la nudité

Avec Orlan – et sa biographie le prouve – il s’agit toujours d’accepter l'errance proposée par ses étranges statues charnelles où la condition identitaire s’altère. La profondeur des entassements des muscles,  le talweg de leurs coutures ouvrent des lueurs d'aube plus que d'ultime crépuscule.  

Dès ses premières œuvres la simple ombre éveille les membres, ils courent à la rescousse des yeux lorsque la vue elle-même se voile. Dans les dernières œuvres le voile se résorbe, le corps s’harnache différemment.

Un tel travail reste faussement narcissique. Il fait de l'être, de son corps et du monde un mélange métisse. Tout se rencontre à la contingence en devenant un matelas de turbulences. Voiles de voile et de voisinage, couches sous pelliculaires jouent de manière diaphane et pourtant sensible en ce qui n'a pas de densité sinon une densité subsidiaire qui surgit de l’aspect nocturne où la féminité est souvent reléguée.

Orlan s’élève contre la tradition qui assure que la vérité est un dévoilement. Si elle se réduisait à cet exercice la vérité perdrait de sa complexité au profit bien mince et puéril d'une facticité. C’est pourquoi dès ses premières expérimentations comme dans les dernières Orlan met parfois le voile. Lorsqu’elle l’enlève, elle l’arrache littéralement afin d’offrir un écorché vif. Pour autant il s’agit toujours d’une complexité de tissus. Du suaire social on glisse à ce qui existe sous les effets de peau.


Jean-Paul Gavard-Perret


Orlan, Strip-tease. Tout sur ma vie, tout sur mon art, coll. Témoins de l'art, Gallimard, 3 juin 2021, 352 p.-, 29 €

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