Originaire du Sud Vietnam, Anna Moï vit et travaille à Paris où elle a publié nouvelles et romans chez Gallimard. Elle a beaucoup évoqué l’exil entre autres dans Nostalgie de la rizière.
Avec Douze palais de mémoire elle retrace la fuite, à bord d’un Boat-People. Les fuyards ont décidé de quitter leur pays après la victoire des communistes pour sauver leur vie.

D'où, et plus particulièrement, l'histoire de  Khanh et à sa fille Tiên. Avant de partir le père a reçu de son propre géniteur astrologue et bouddhiste  la configuration de ses douze "palais" : Finances, Immobilier, Carrière, Amis, Parents, Voyages, Destinée, Santé, Fratrie, Mariage, Enfants, Mathématiques. 

Celui pour lequel le culte des ancêtres joue un rôle capital va trouver dans cette configuration un moyen de perpétuer une transmission et  le maintien de valeurs morales indispensables. Si bien que le narrateur étudie des mécanismes de la mémoire à travers le choix des territoires abstraits et la méthode des analogies. Et ce, même s'il reconnaît que des événements ne s’effacent pas malgré les efforts pour les négliger et qu'il reste compliqué de lutter contre le choc de certaines émotions – entre autres celles liées au déracinement.

Quant à sa fille elle semble insensible à la gravité du départ. Elle se moque de l’équipage du bateau et ironise face à la situation. Son père, à l’inverse, plonge dans ses souvenirs, ravive la mémoire et révèle peu à peu que les causes profondes de son départ du Vietnam ne sont peut-être pas exclusivement politiques : De fait, nous avons tous été lésés de quelque chose, à commencer par la vie telle que nous la connaissions. Il ne nous a pas manqué un œil, mais une vision. Nous n’avons pas été amputés d’un bras, mais du geste de le tendre vers autrui.
D'où ce livre constat des séquelles d'une traversée forcée et pleine de souffrance mais qui laisse néanmoins prévoir un possible futur.
 

Jean-Paul Gavard-Perret

Anna Moï, Douze palais de mémoire, Gallimard, février 2021, 204 p.-, 19 €