Thomas Clerc : Quand la cave se rebiffe

Après la parution d’Intérieur où Thomas Clerc décrivait de manière méthodique son appartement, il s’est rendu compte qu’il avait oublié une pièce : la cave.
Il se rend alors dans les sous-sols de son immeuble et découvre, derrière les murs délabrés, un passage secret. Dès lors le projet évolue :  le livre devient est une descente mentale dans le monde du sexe. Une sorte de brain porn, si le genre existait, précise l'artiste.

Il faut dire qu'il cultive les espaces confinés : Comme j'ai été lent à faire le tour de ma maison! 3 ans pourtant c'est 3 fois moins qu'Ulysse revenant de Troie, pour évoquer sa visite de son appartement qui ne fait que 50 mètres carrés. Il n'est donc pas près de sortir de sa cave... Elle ne génère pas des peurs enfantines mais un vertige qui le pousse toujours à épuiser la totalité d'un tel espace moins réel que fantasmagorique.

Celui qui revendique l’héritage de Georges Perec, s'en éloigne un peu en passant de l'appartement de La cache et Intérieur pour les sous-sols de l'immeuble. La description minutieuse embrasse ici un autre sujet plus souterrain comme si le lieu devenait celui du réservoir des fantasmes de l'auteur.
Clerc se frotte à des "lambeaux" d'espace  mais aussi  vers une sorte d'utopie de la vision. D'où la nécessité de cet échange entre la matière et le texte ainsi que l'intensité d'une attention portée à l'espace  par ce qui devient une "méthode" paradoxale de reconstruction d'une vérité d'incorporation.

La "spatiographie" devient spéculative et libidinale. Elle est donc forcément jouissive. D'autant qu'en maître de l'Oulipo et en tours de langue, l'auteur fait celui de ses inclinations en un tel voyage encore plus trouble que serait celui qu'il fit comme Xavier de Maistre autour de sa chambre. Ici, à l'inverse d'Intérieur, l’intime s'inscrit dans un topos digne de celui de Pérec ou du marquis de Sade.
 

Jean-Paul Gavard-Perret

Thomas Clerc, Cave,  collection L'arbalète, Gallimard, août 2021, 288 p.-, 19 €
Lire les premières pages...

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.