En mémoire d'une saison de pluie

En mémoire d'une saison de pluie nous éloigne d'un monde clos. L'amour se mêle à la nature dans un roman où Fouad El-Etr poète est loin d'être absent. Il se fait animiste pour ressusciter toutes les formes de vie : êtres humains, animaux, arbres, insectes qui permettent aux trois personnages de marcher sur les années. Le plus longtemps possible. Le narrateur-auteur se fait jardinier du silence et des désirs inavoués en retournant "le terreau des phrases [...] le minerai des mots inanimés.

Et ce avant que des décennies plus tard, par un message du fils de Mathilde, la femme aimée, le passé lointain resurgisse de manière étrange et se trouve intégré alors que la narration touche à son terme au moment où l'auteur écrit : Qui que vous soyez, je vous embarque dans mon récit. Et ce parce que le suicide du troisième personnage – l'autre homme qu'aimait Diane – change la donne. Il s'est jeté du haut d'une tour et crée une confrontation avec la mort. Pour autant il faut que la vie demeure dans sa ferveur avec la nature.

Sa contemplation ancre le réel dans la fluidité d'un récit où l'intimité du narrateur devient universel depuis cette première balade en une forêt d’automne battue de pluie et de poésie là où la phrase d'Artaud n'a jamais été autant justifiée : Mots puisque vous êtes parlez.

Peu à peu tout se réduit à un dépouillement essentiel. Ne restent que les images sourdes. Elles ne retranchent rien. Elles ajoutent de l’organique tout en creusant un vide étrange. Il s’agit d’œuvrer contre la mauvaise nostalgie et son chaos. Le vide peut créer le concret même si l’interrogation énigmatique qu'engendre le suicide ne comporte pas de réponse.

Demeure néanmoins le bois d'automne dans  le souvenir de la vieille et première histoire. Et même si la phrase "ce qui ne tue pas rend plus fort" ne se justifie pas forcément, la vie elle-même veut avoir raison de la camarde. Si bien que le narrateur n'avance plus en titubant. La quête s’applique à recueillir les mots les plus essentiellement humbles pour reprendre pied.
 

Jean-Paul Gavard-Perret

Fouad El-Etr, En mémoire d'une saison de pluie, Gallimard, mai 2021, 304 p.-, 20 €
Découvrir les premières pages...

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.