Jacques Roubaud : théâtralité poétique des sortilèges quotidiens

Restes d'amour à Londres ou ailleurs, paysages toujours lointains (même près de Dijon) vus par le TGV, cinéma de quartier où se retrouvent des classiques avec le Bogart par exemple, tout est bon – et même l'expérience du Covid qui semble devenir le passage obligé des écrivains – pour Roubaud afin de percevoir les je ne sais pas quoi de son existence. Ils demeurent ce qui compte puisqu'il s'en souvient en hommage à une femme. Ou plusieurs.

Qu'importe que les lits – nuptiaux ou non – connaissent désormais des corps plus parallèles que superposés. Moins excités ils permettent aux souvenirs de remonter avant de massivement se faire la malle. Histoire – en attendant – de voir si dans la psyché c'est mieux qu'ailleurs et s'il y a moins de peurs.

Roubaud tient le coup dans un amas de bruits, des morts injustes, des bouts d'heure ou même au milieu d'un bureau de poste anglais et un jardin nippon. La vie n'est donc pas toujours douce mais sentir l'existence reste à ce prix – sauf pour les héros. Le poète ne le joue pas, il avance comme il peut au fil des jours et dans le genre c'est bien.

Du papier à la tête ou de la tête au papier, des sortes de haïkus (ici le Japon n'est jamais loin) font la fête par des anecdotes en apparence en stock et qui ouvrent vers un bon niveau de rebonds.

Ne demeurent que ce qui s'écoule et ce qui se pétrifie. Ce qui se "fend  aussi au sein de l'intimité inespérée. Il ne faut pas chercher ailleurs la vie que dans ces poèmes simples où Roubaud évite le mièvre comme l'alambiqué tout en les tutoyant. Avec l'auteur nous y avançons en une marche forcée vers l'attente d'une plénitude et dans l'effondrement des images trop pieuses. 

Parfois les poèmes deviennent sombres mais prouvent que l'auteur connut souvent divers types de pammoison. Désormais il rame comme il peut ou comme un gars de la sardine à Oléron.  Car avant de sucrer les fraises il existe des joies moins tombales que veloutées.

Jean-Paul Gavard-Perret

Jacques Roubaud, Chutes, rebonds et autres poèmes simples, coll. Blanche, Gallimard,  novembre 2021, 100 p.-, 12 €

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