Morozov, ou les icônes de l’art moderne, à la Fondation Vuitton

La route de Paris passe par Moscou et Saint-Pétersbourg, enfin passait pour être précis, au temps béni où la France menait la course de l’avant-garde avant de sombrer dans le conformisme. C’est d’autant plus vrai qu’Alfred Barr, le mythique créateur du MOMA, visita en 1928 les deux collections Chtchoukine et Morozov avant de se rendre sur les quais de Seine…  
Aujourd’hui encore, tout amoureux de l’art ne peut ignorer les fonds des musées Pouchkine et de l’Ermitage pour qui s’intéresse aux artistes français des années 1890-1930 : de Matisse à Bonnard, de Renoir à Gauguin, de Degas à Monnet en passant par Van Gogh, ils sont tous là. 

Cette exposition-hommage aux frères Morozov, conçue en miroir de la précédente, consacrée à leur aîné et ami Chtchoukine, retrace l’histoire de ces philanthropes tout en cherchant à comprendre ce désir irrésistible de collectionner, de partager cette passion si puissante qu’elle paraît addictive. Ainsi, Mikhaïl Morozov loue-t-il dès la fin des années 1890 dans le XVIIe arrondissement, un hôtel particulier où il organise de somptueuses fêtes pour célébrer ses achats en partance pour la Russie, tableaux souvent provocateurs de Corot, Manet, Toulouse-Lautrec, Monet, Degas… Il arrive ainsi qu’il devance Chtchoukine dans ses acquisitions mais surtout devient le mentor de son frère en matière d’art moderne français. 

Il est amusant de constater que la collection débuta par des artistes russes, dont Chagall, mais qui exclut Kandinsky et Malewicz, jugés trop décalés. Par contre, on leur doit de lancer Bonnard dès 1902 en lui achetant Derrière la grille (1895), tableau précoce d’un peintre peu connu et encore moins reconnu… Viendont, entre 1905 et 1913, treize tableaux achetés plus une commande de cinq tableaux monumentaux en vue d’orner le grand escalier de son hôtel particulier.  
Dans la foulée, ce seront Pissarro, Sisley et Monet qui rejoindront la collection avec leurs toiles aux titres synonymes: Champ de coquelicots (Monet), La Gelée à Louveciennes (Sisley), Terre labourée (Pissarro). Il faut noter la présence de magnifiques toiles de Korovine (Un café à Paris – 1 & 2) qui s’incorporent parfaitement dans cet impressionnisme célébré.

Vincent Van Gogh, La Ronde des prisonniers, Saint-Rémy, 1890 (MUSEE D'ETAT DES BEAUX-ARTS POUC)

Paul Gauguin – dont les éditions des Saints-Pères viennent de publier la facsimilé du manuscrit peint de Noa Noa – découvert par Ivan Morozov en 1906 entre alors dans la collection dès 1907 avec un ensemble de tableaux majeurs. Tout comme Cézanne et la série des paysages illimités, Van Gogh et les ciels ombrageux, les portraits de Picasso et Kontchalovski, les premières natures mortes (Cézanne) et l’inter-mondes de Matisse.  
Un voyage ébouriffant qui transforme le regardeur déambulant dans les vastes salles de la Fondation tout comme le lecteur attentif de cet extraordinaire catalogue aux essais précis et enjoués qui se dévorent en compagnie des très belles reproductions qui permettent de poursuivre la visite aussi longtemps que l’envie s’en fait sentir…
Une idée pour le sapin de Noël.

La Collection Morozov : les icônes de l'Art Moderne
8 avenue du Mahatma Gandhi, 75016 Paris  
Jusqu'au 22 février 2022 

François Xavier 

Anne Baldassari (sous la direction de), La Collection Morozov, icônes de l’art moderne, 300 x 280, relié sous jaquette, nombreuses illustrations, Gallimard, septembre 2021, 540 p.-, 49,90 € 

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