Les percées de Pagnier

Dans ses poèmes en prose d'Aberrations chromatiques qui rappellent ceux de Faubourg des visionnaires et Amours, Dominique Pagnier renoue avec ses voyages en une écriture aussi profonde que légère. Tout est de l'ordre de la sensation surtout visuelle.
Entre le point de vue des animaux et celui du poète se succèdent des phénomènes optiques et des instruments du même tabac : aurore boréale, prisme, loupe, télescope, etc.

Et bien sûr la présence des aberrations chromatiques – à savoir les défauts colorés par effet de vision à travers une lentille. Victime de ces illusions d’optique le poète ne voit pas flou pour autant. Il y distingue la légende de l’humanité et nous entraîne à travers l’Europe de l’Est (qu'il développe dans son livre paru en 2021) et même vers un empire inventé.

Pagnier augmente ainsi le réel, le double dans ses frasques tourbillonnaires et des éclats de vie. Qu'importe si guerres et cataclysmes ont ravagé la terre. Il tente de sauver de l’oubli ce qui peut l'être là où un flocon de neige fond dans les cils de la femme et se transforme en larme.
Elle sèche sur les manteaux que les aïeux portèrent durant l’exode hivernal. Mais cette femme a-t-elle existé ? Tout reste de l'ordre de l'hypothèse chez celui qui veut croire, malgré les vicissitudes, à une certaine innocence des hommes. L'ensemble reste néanmoins mystérieux là où les présences demeurent intouchables ou du domaine du leurre

Jean-Paul Gavard-Perret

Dominique Pagnier, Aberrations chromatiques, Gallimard, 2018, 115 p.-, 13,90 €

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