Niki de Saint Phalle, woke avant l’heure

Artiste surévaluée ou égérie d’une époque ?
Sans les coups d’éclat de Niki de Saint Phalle (1930-2002) son œuvre aurait-t-elle était la même : faut-il tirer avec un fusil sur ses tableaux pour faire parler de soi ? Ne serait-ce pas plutôt sa vie qui est la plus palpitante ?! Un pied en France, l’autre aux USA, enfermée dans un seul style, elle déploie ses Nanas sous tous les angles. Féminisme oblige (déjà !), en 1980 le Centre Pompidou lui consacre une rétrospective – tant que l’on ne séparera pas l’artiste du genre on continuera à juger l’œuvre d’une manière l’autre selon que l’auteur, soit un homme ou une femme, or cela n’a aucune importance ! Par contre le marketing s’invite très tôt. En 1982 elle lance son propre parfum (sic). S’acoquine avec Andy Warhol. L’idée de l’art s’évapore, Niki devient tendance et suit la voie des grandes supercheries à venir qui se nomment Damien Hirst – enfin conscient qu'il a fait de la merde depuis des années, brûle-t-il ses croutes, ses jours-ci, tout en affirmant une fois de plus, que c'est de l'art (sic) – ou Koons.
Ce qu’il faudra retenir c’est la création de l’extraordinaire Jardin des tarots en Toscane. L’expression monumentale d’une sorte de ville-sculptures fondée sur les 22 lames du célèbre jeu de cartes. À côté elle peint Global warming et autres Guns qui relèvent plus de la pub ou de l’action politique, non de l’art… Elle ira même jusqu’à faire des meubles ou des timbres. Bref, Niki de Saint Phalle fait feu de tout bois, choisissant étrangement ses sujets de défense. Elle semble avoir été absorbée par l’idéologie woke. Qui à l’époque s’enorgueillissait de déconstruire. Noble postulat de départ pour un résultat que l’on connaît. De lutter contre les inégalités – enfin à géométrie variable puisque installer à Jérusalem en 1972 le Golem c’est ignorer superbement la cause palestinienne. L’explosion est définitive. Transformant son œuvre en manifeste. Appauvrissant son travail graphique pour rédiger des tracts. Artiste engagée, certes, mais trop n’en faut. L’exposition des Abattoirs nomme cela L’art en liberté. Mais doit-on aller au musée pour subir ce que la Nupes nous imposent à longueur de temps ? L’art doit demeurer une parenthèse. Un lieu d’enchantement. Pas un acte de propagande. Chacun son métier.

Annabelle Hautecontre

Lucia Pesapane et Annabelle Ténèze (sous la direction de), Niki de Saint Phalle – Les années 1980 et 1990, l'art en liberté, 150 illustrations, relié, 220 x 270mm, Gallimard/les Abattoirs, octobre 2022, 190 p.-, 35€
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