Grandeur & décadence à la villa Kujoyama

La villa Kujoyama fête ses trente ans, la petite sœur de la villa Médicis aura ainsi accueilli au fil du temps 400 lauréats qui sont sensés être le top du top, or il faut bien reconnaître que seuls 10% sortent du lot, et encore. Voilà donc un nouveau témoignage d’une belle idée dévoyée par l’incurie de ses dirigeants, le concept absurde, la mode, etc.
L’ouvrage est un florilège de témoignages de tous les lauréats, et le moins que l’on puisse dire c’est que la candeur liée au cynisme offrent de belles perles ; ainsi peut-on lire, avec le plus grand sérieux exprimé : Personne ne me demandera jamais rien au sujet du projet que j’avais rédigé. Un autre excelle dans ce qu’il appelle l’art minimal (sic) et avoue que l’essentiel de [s]on travail a consisté à [s]’attarder dans les jardins. Une autre proposera une recette de cuisine, quand un lauréat "travaillera" la teinture à l’indigo sur des djellabas. Mais faut-il aller à Kyoto pour cela ?
Pour information, le séjour à la villa est pris en charge à 100% par l’État (nos impôts) auquel s’ajoute une confortable prime mensuelle pour un séjour de plusieurs mois. Le tout avec cet argent public que certains adorent jeter par les fenêtres, quoi qu’il en coûte ! De là à parler de parasites qui viennent perdre leur temps aux frais de la princesse – comme les intermittents du spectacle qui travaillent quand bon leur semble mais souhaitent bénéficier d’autant d’avantages sociaux que les salariés qui triment huit heures par jour –, il y a un pas qu’il faut franchir, une bonne fois mettre les pieds dans le plat, car l’émergence de tous ces pseudo-artistes suspendus aux aides multiples et variées, portés par la gloire du Bidule, donne des envies de meurtre. Qu’est-ce donc que tous ces artistes qui se plaignent de ne pas avoir de travail faute de ne pas avoir de talent ? se moquait Pierre Desprogres au siècle passé.
Il est intéressant de voir ce grand écart entre la qualité du travail d'un Christian Jaccard, par exemple, en résidence en 1994, et la lente décomposition qui aboutira, en 2020, a une performance dans l’installation – on n’arrête pas le progrès ! – de l’artiste : Parler de loin ou bien se taire. Notre choix est fait. Fermer le banc.

François Xavier

Collectif, 72 saisons à la villa Kujoyama, coll. Hors-série Connaissance, Gallimard/Villa Kujoyama, octobre 2022, 552 p.-, 49 €

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