Jodelle le singulier

Étienne Jodelle (1532-1573) n'a pas publié ses œuvres, ni composé lui-même ses Amours : il s'agit d'un recueil factice, constitué par des amis pour une publication posthume. Vers de commande ou de circonstance, certains de ces poèmes comptent parmi les plus beaux du seizième siècle français.
Jodelle n'y dissimule pas la distance ironique qu'il entretient avec les conventions de la poésie amoureuse. Néanmoins il la pratique en maître en renouvelant le platonisme et le portant plus haut que ses confrères de la Pléiade.
L'amant poète de l'amour dénonce la représentation traditionnelle de la femme aimée, qui le porte à idéaliser une maîtresse repoussante, contre laquelle il vomit sa haine. Cette poésie est cérébrale, vibrante et tendue. Le poète a trouvé une voix personnelle contre un code amoureux aliénant, qui menace toujours de priver la singularité du sentiment amoureux d'un langage adéquat.
Existent toujours chez lui la beauté des phrases, et l'élégance et la majesté de ses figures, du style, ses hautes conceptions de l'amour. En ce sens il reste un poète particulier chanté comme il le faut par la belle préface de Florence Delay.

Jean-Paul Gavard-Perret

Étienne Jodelle, Comme un qui s'est perdu dans la forêt profonde, édition d'Agnès Rees, préface de Florence Delay, Poésie/Gallimard, janvier 2023, 238 p.-, 10,10 €

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