1789-1792, royauté, politique et tourmente aux Tuileries

À droite, passant sous le Pont Roial (sic), coule la Seine. À gauche, s’allonge la rue Saint Honoré. Sur un autre côté apparaît la Place du Louvre. À l’opposé le jardin étend la régularité de ses arbres. Au centre de ce périmètre qui marque le cœur de Paris, se tient le Palais des Tuileries, reconnaissable aisément à sa longue façade équilibrée, tel que la feuille 15 du "Plan Turgot", datant de 1734 le met en valeur. Commencé en 1564 à l’initiative de Catherine de Médicis, modifié et revu par Henri IV, Louis XIV et Louis XV, ce Palais a été l’œuvre d’architectes de renom comme Philibert Delorme, Jacques II Androuet du Cerceau, Louis Le Vau.
Plus tard interviendront entre autres architectes, Charles Percier et Louis Joachim Visconti. Par la suite et jusqu’à son incendie en mai 1871 par la Commune, le Palais accueillera pour des durées et des raisons diverses, Napoléon 1er, Louis XVIII, Charles X, Louis-Philippe, Napoléon III. Beaucoup de vestiges, colonnes, parties de frontons, bas-reliefs…furent réutilisés ou dispersés en région parisienne et en province, parfois à l’étranger. Des projets de reconstruction ont été envisagés, sans jamais aboutir. Les Tuileries demeurent à Paris un site où davantage qu’ailleurs, le présent rencontre le passé. En se promenant sous les arbres, le promeneur sait qu’ici se sont écrites des pages majeures de l’histoire de la France.
Louis XVI, au lendemain de la grande marche des femmes conduites notamment par une marchande de fruits de la Halle, Louise Reine Audu (Jeanne Leduc) et la Garde nationale, est forcé le 6 octobre 1789 de quitter le château de Versailles et de s’installer avec sa famille aux Tuileries. Pendant cinq ans environ, ce lieu va se trouver au centre de la vie politique du pays. L’Assemblée nationale quitte en effet Versailles une semaine après le roi et siège au Manège des Tuileries. Le 1er octobre 1791, une Assemblée législative prend le relais. Dans la confusion, la Cour s’installe, compensant d’une certaine manière par le maintien de ses habitudes la prison qu’est devenue l’édifice, peu à peu réaménagé sans offrir toutefois les espaces et les commodités de Versailles. Un autre plan montre comment sont répartis les membres de la famille dans l’ensemble du Palais, assez vaste cependant pour lui permettre de suivre ses activités telles que la réception des ambassadeurs, les dîners en public, les messes, les rapports et les audiences des ministres, selon une étiquette allégée. 

Mais les Tuileries continuent à être le point de fixation des émeutes. Une esquisse de Jacques-Louis David, "Le Serment du Jeu de Paume, le 20 juin 1789", conservée au musée Carnavalet, révèle dans les attitudes et les vêtements à la fois l'ardeur des débats et la mixité sociale des intervenants. La violence se déchaîne. Le 10 août 1792, peut-être 1200 personnes sont laissées sans ordres face à l’attaque d’environ trente mille Parisiens et Marseillais révolutionnaires. Ce jour-là, environ sept cents gardes suisses et courtisans sont tués avant et après l’assaut des Tuileries, écrit Philip Mansel, un des auteurs de cet ouvrage très documenté et illustré qui accompagne l’exposition montée aux Archives nationales, à l’Hôtel de Soubise.
Cette présentation est l’occasion de découvrir plus de 150 objets, tableaux, dessins, documents d’archives rares ou inédits, gravures et lettres dont celles de Marie-Antoinette et Fersen qui livrent leurs secrets, mobilier, tant de pièces témoignant de ces journées tumultueuses toutes de près ou de loin rattachées aux Tuileries, et les illustrant sous un nouvel éclairage, politique, historique, humain, artistique.

 

Parmi tant d’évènements tragiques qui s’y succédèrent, un est resté célèbre, la fuite du roi le 20 juin 1791, arrêté à Varennes. C’est aux Tuileries qu’il est ramené le 25. Dans l’esprit du temps, une caricature montre ce triste et humiliant retour. La censure est supprimée, la rue a le pouvoir, les lois se multiplient et les émigrés reçoivent le soutien de l’étranger, de l’Autriche notamment, ce qui déclenche la guerre le 20 avril 1792.
Comme le note Jean-Christian Petitfils, la mise en place des institutions nouvelles montra l’extrême fragilité de la situation politique…. Une Révolution s’achevait, une autre plus radicale débutait. Aldous Huxley pensait que Le fait que les hommes tirent peu de profit des leçons de l'Histoire est la leçon la plus importante que l'Histoire nous enseigne.  

Dominique Vergnon,

Isabelle Aristide-Hastir (sous la direction de), Louis XVI, Marie-Antoinette et la Révolution. La famille royale aux Tuileries (1789-1792), 215x280 mm, 110 illustrations, Gallimard-Archives nationales, mars 2023, 192 p.-, 30 €

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.