Le vade-mecum gaddien de Philippe Bordas

Essai sur Gadda mais aussi bien plus que cela, ce livre remet en scène et sur la sellette l'écrivain italien resté largement ignoré sur ce côté des Alpes. Fidèle à une tradition qui remonte à Dante, le Lombard n'a eu cesse de mélanger les niveaux de langue sans amphigourisme mais dans le but souvent affiché de créer une sorte de clair-obscur moins sémantique que poétique.
Philippe Bordas, pour cerner le créateur, a rencontré les éditeurs, les critiques, des amis et témoins du Milanais, et l'enquêteur se raconte au besoin lors de ces pérégrinations pour donner plus de cœur – et il n'en manque pas – dans la marqueterie que constitue ces textes ponctués entre leurs morceaux de photographies.
Ce beau livre épouse la légende de l'auteur plus qu'il expose la doctrine de ses ouvrages. Il y a là une sorte d'impressionniste littéraire aussi élégant que pénétrant. Rien ici ne tient d'un corpus abscons  bien au contraire manière de débarrasser l'auteur du poids de ceux qui sous leurs analyses l'étouffèrent.
Le célibataire endurci  n'a plus rien du prétendu homosexuel refoulé que certains se sont plu à présenté. Gadda devient un alter égo latin de Pessoa. Et c'est le plus bel hommage qui peut lui être adressé au sein de cette somme captivante où si la complexité n'est pas absente, Bordas l'ironise de ses déambulation transalpines.

Jean-Paul Gavard-Perret

Philippe Bordas, Le célibataire absolu, Gallimard, mars 2023, 431 p.-, 30€

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