Le "néoparler" de Georges Orwell

Avec Mil neuf cent quatre-vingt-quatre, Georges Orwell est devenu un écrivain incontournable lu dans le monde entier. Ce qui n'empêche pas l'auteur d'être autant adulé pour ses visions que honni par ceux qui le taxent d'esprit dérangé obnubilé par son antimarxisme.
Ces derniers veulent faire croire que 1984 n'était tout compte fait que le fruit de l'époque et qu'il ne faudrait le lire que comme un témoignage circonstanciel.

Orwell savait néanmoins que – surtout dans le roman – ce n'était pas en faisant triompher la vertu qu’on améliore la condition des hommes et que les imbéciles peuvent être convaincus.
Mais les chiens aboient (encore) et la caravane orwelliene passe. Et le révolté, polémiste, se servit du roman pour pousser à bout une analyse politique qui dépassa son époque. Et de loin.

Inventeur de chimères dystopiques, il montra les infortunes que le monde subissait et continue de subir. Le temps actuel en est témoin.
Transformant l’écriture politique en art véritable, Orwell fut un homme et un inventeur intelligent, libre. Il s'affronta à toutes les idéologies nauséabondes qui avilissent l'humain. D'où son combat incessant contre les mensonges et les crimes staliniens.
Et ce particulièrement à travers ses deux derniers romans qui ont fait sa gloire  et qui forment le diptyque majeure contre la barbarie du totalitarisme.

Tous ses écrits – même bien moins connus que ses deux fictions – sont alimentés par ses propres engagements. Il démissionna de son poste de fonctionnaire de la Police impériale des Indes : En Birmanie présent dans ce tome l'explique. Dans la dèche à Paris et à Londres, il prend le parti des indigents comme celui des perdants trahis par leur propre camp lors la guerre d'Espagne dans Hommage à la Catalogne.
Mais Mil neuf cent quatre-vingt-quatre écrase le reste.
D'autant qu'Orwell a eu le génie d'y mettre en jeu le "novlangue" – appelée désormais le "néoparler" – ce qui n'apporte pas grand chose à la traduction première. Néanmoins si les textes de ce volume ont été retraduits c'est pour épouser la rugosité et la "furor" d'une prose sardonique qui retrouve une jeunesse et une force corrosive.

Orwell fut et reste un visionnaire propre à mettre à casser les idéologies obscures et mortifères. L'Anglais n'écrivit que pour réveiller les consciences. Il voulut transmettre des idées subversives pour accorder une compréhension plus profonde des animaux humains soumis aux abîmes de maîtres qui ne furent pas seulement ceux de son temps.
 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Georges Orwell, Œuvres, édition de Philippe Jaworski, trad. de l'anglais par Véronique Béghain, Marc Chénetier, Philippe Jaworski, Patrice Repusseau, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, octobre 2020, 1664 p.-, 66 € jusqu'au 31 mars 2021

 

Ce volume contient :
Dans la dèche à Paris et à Londres - En Birmanie - Wigan Pier au bout du chemin - Hommage à la Catalogne - La ferme des animaux - Mil neuf cent quatre-vingt-quatre - Croquis et essais (1931-1948).
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