Infinite Crisis, tome 4 – Les survivants

Rien ne va plus ! Le QG de la Ligue de Justice a été détruit et les trois héros principaux du groupe, Batman, Superman et Wonder Woman, s'entre-déchirent. Pendant ce temps, Kal-L, Lois Lane, Alexander Luthor, et Superboy-Prime, versions « alternatives » d'une autre dimension (Terre 2), s’échappent du micro-univers paradisiaque dans laquelle ils avaient trouvé refuge à la fin de Crisis on Infinite Earths. Kal-L et les siens estiment que nos héros ne sont plus à la hauteur des dangers qui menace notre planète, et ils comptent bien remettre un peu d'ordre dans tout ça… en prenant la place de nos héros et en remodelant notre Terre à leur guise !


En 1985, Marv Wolfman et George Perez racontaient Crisis on Infinite Earths, un des crossover les plus cultes de toute l'histoire du comic book. Avant Crisis…, l'univers DC Comics se décomposait en une palette de dimensions alternatives. DC Comics pouvait ainsi utiliser, par exemple, le Superman des années 40 et le Superman contemporain. Voire même les faire se croiser lors d'events extraordinaires. Mais, petit à petit, cette multiplicité de personnages et de dimensions était devenue lourde à gérer pour l'éditeur (sans parler des scénaristes). Et compliquée à suivre pour les lecteurs… Crisis on Infinite Earths avait résolu le problème en regroupant TOUS les univers de l'éditeur en un seul. Pour faire passer la pilule, DC Comics expliqua que certains super-héros n'étaient pas vraiment morts, mais déplacés dans un micro-univers « paradisiaque », où ils pourraient couler des jours paisibles…


Il faut croire que ce ne fût pas tout à fait le cas, puisque trente ans plus tard, les revoilà, échappés du « paradis » et prêts à tout chambouler !


En 2005, DC Comics fait le choix d'annuler le principe d'un seul univers, pour redéployer un « multi-univers » : un rétropédalage aux proportions cosmiques, que dis-je, multidimensionnel ! Infinite Crisis entretient donc des liens étroits avec Crisis on Infinite Earths ; et avant de s'y lancer, il vaut mieux avoir lu cette première épopée. Autre point commun avec Crisis…, la présence de l'immense George Perez (je suis fan), appelé à la rescousse pour produire cet event aux répercussions cataclysmiques, toutes les séries principales de l'éditeur étant impactées. Ce n'est donc pas un hasard si le dessinateur Phil Jimenez, chargé de la série principale homonyme, s'arrange pour « s'inspirer » de Perez dans des planches de toute beauté, bourrées de détails et de débordantes de personnages, évidemment.


C'est dans ce tome 4 qu'on rentre dans le vif du sujet avec les quatre premiers épisodes du tronçon principal : Infinite Crisis. La lecture des trois premiers volumes est (presque) indispensable, puisqu'ils contiennent les quatre préambules à Infinite Crisis (!). Il faut souligner le travail d'édition d'Urban Comics qui facilite grandement la lecture d'une saga touffue et complexe, en proposant un agencement quasi-idéal : un plus non négligeable quand on voit le nombre de titres, et de personnages, impliqués. Pour preuve ici, les quatre épisodes de la série JSA Classified, centrés sur Power Girl, ou bien la conclusion de Jour de Vengeance (entamé dans le tome 3), qui tombent à pic.


Il y a deux aspects que j'aime particulièrement dans ce quatrième volume. Le premier épisode d'Infinite Crisis souligne les divergences entre Batman, Superman et Wonder Woman, soit les trois héros emblématiques de l'éditeur. On a souvent reproché à DC Comics de représenter des super-héros trop gentils, trop lisses et propres sur eux. On croit souvent qu'il s'agit d'une « tradition » de l'éditeur (à tord), et j'ai bien aimé l'ambiance tendue, voire crépusculaire, entre ces trois têtes d'affiches.


Le scénariste Geoff Johns orchestre depuis de nombreuses années l'univers DC. C'est aussi un grand amateur des âges d'or et d'argent de l'éditeur, et il en profite pour glisser un sous-texte passionnant. Car Infinite Crisis, c'est en fin de compte les « vieux » super-héros oubliés de DC (et ils ne sont pas contents), qui reviennent combattre leurs versions plus modernes parce qu'elles ne sont pas à la hauteur de leurs attentes ! Comprendre « pas du goût » de Geoff Johns ? On sent bien que le maître d’œuvre ne porte pas dans son cœur toute la période de l'âge dite « sombre » de DC (qui a commencé en gros après le succès de Dark Knight Returns de Frank Miller, quand DC a voulu faire des comics sombres, torturés et violents)… Relire Infinite Crisis sous cet angle est particulièrement jouissif !


Infinite Crisis est un gros morceau éditorial, foisonnant, impressionnant, bourré d'action et de scènes incroyables. Ce type d'épopée multidimensionnelle reste à mon avis l'apanage du comic book, le cinéma n'ayant pas encore réussi à retranscrire efficacement ces récits où des dimensions entières sont anéanties… en quelques coups de crayon ! Les amateurs de grosses sagas cosmiques y trouveront leur compte, à condition bien sûr d'avoir un minimum de connaissance de l'univers DC. Du solide.



Stéphane Le Troëdec




Lire la chronique d'Infinite Crisis, tome 3


Geoff Johns (scénario), Phil Jimenez, Amanda Conner, George Perez (dessins)

Infinite Crisis, tome 4 – Les survivants

Édité en France par Urban Comics (27 novembre 2015)

Collection DC Classiques

336 pages couleurs, papier glacé, couverture cartonnée

28 euros

EAN : 9782365775113

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