Les jardins des délices de Georges Pérec

 

Un certain sens du rire - par celui de rites intempestifs - fait de l’oeuvre de Pérec la plus fantastique recherche de soi et du monde. Elle métamorphose l’auteur à la fois en un parfait opposé et un même de Proust. Sur un terrain premier identique, l’un crée une seule histoire, l’autre des histoires courtes, tragiques, grinçantes, ironiques. Mais les deux proposent des cosmos personnels qui auront élargi les frontières de la littérature par l’expérimentation formelle.

Chez Pérec l’inventivité, l’audace et la liberté atteignent des sommets. Les  entreprises oulipiennes, sous l’exercice de style, cache toujours une diagonale du fou capable d’évoquer de manière « pléonasmique » les tragédies, les douleurs, les vicissitudes de tout ce qui chez l’auteur fut inscrit sous le signe de la perte. Le trauma existentiel s’y transforme par l’absence de « e » dans « La Disparition » ou le « lipogramme monovocalique » en « e » des « Revenentes » ce qui est une manière decacher les embuches sous d’autres….

Loin des sommations et règles le fou littéraire gigote mais toujours pour une décollation du logos afin qu’il dise mieux en de nouvelles liquettes à clés. Le  « non-finito » de Pérec est donc toujours achevé comme s’il savait que le temps pressait. Tel un écureuil l’auteur ne cessa d’aller de branches en branches avant qu’elles deviennent vieilles et tombent exsangues. Bref Pérec fut toujours de passage : mais son œuvre reste. Les deux tomes de la Pléiade et le superbe album le prouvent. La barbe de Pérec s’y fait luisante et son regard y demeure aussi triste qu’amusé. On croit apercevoir près de lui le chat de son foyer tandis que goguenard il poursuit, fumant sa pipe, son trop éphémère désir de durer.

Jean-Paul Gavard-Perret

Georges Pérec, « Œuvres » tomes 1 et 2, Bibliothèque de la Pléïade,  « Album Pérec » par Claude Burgelin, Album de la Pléiade, Gamllimard, Paris, 2017.

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