Gérard Chaliand : Feu nomade ou feu de paille ?

Étonnante collection que celle-ci, portant au plus près des lecteurs la poésie à petit prix dans de jolis livres de poche ; surprenante programmation aussi qui donne à lire de grands noms, d’immenses œuvres et nous sort parfois de son chapeau magique des auteurs aux publications éphémères, à l’image de Gérard Chaliand. Si qualité ne doit jamais rimer avec quantité, il n’en demeure pas moins ici que l’œuvre est inégale : cinq petits recueils écrits entre 1955 et 2016, avec une très nette tendance à se perdre sur la fin, poésie narrative et nominative, plus près du récit et de l’historiographie que du poème.

Sans doute Gérard Chaliand aurait du faire comme Rimbaud, s’arrêter d’écrire le jour de ses vingt-cinq ans et ne se concentrer que sur ses nombreux périples à travers le monde, dans les zones de conflits…

 

Mon règne a commencé par un immense hiver

Il y a si longtemps je m’en souviens à peine

des forêts immergées où se fige le cri

j’ai fui

mon corps obscurci de racines et ma peur de la nuit.

Je dormais sous la roche

les épaules meurtries la poitrine de pierre

et ma peur de la nuit.

 

Étonnant destin que celui de cet homme qui plaqua tout à seize ans, quitta le domicile familial à dix-huit, parcouru ensuite le monde avec une nette prédilection à jouer au guerrilero, devenant au fil du temps un spécialiste des guerres de libération et des tactiques militaires non occidentales. Il en fit son métier, en quelque sorte, entre publications d’atlas géostratégiques et cours donnés dans les plus prestigieuses académies militaires du monde entier, de la Russie aux États-Unis…

Rien d’étonnant alors à ce que le style se soit perdu, la magie première des années 1950-1959 envolée vers une écriture plus structurée, normative et donc moins encline à ouvrir sur des images, à rappeler des odeurs, à réveiller des émotions.
Et si la beauté survit au carnage, la poésie n’en est pas pour autant un récit qui se déroule, ni une liste commémorative d'amis disparus, ni un film qui défile sous nos yeux mais plutôt un feu d’artifice, un crépitement de sensations et de musique.

 

Donnez-moi la femme la plus ivre

la plus belle de vivre

la nuit de son ventre

ses lunes d'orages.


(...)


Que l’homme heureux tue le coq de l’aube

fasse du jour naissant une nouvelle nuit.

 

François Xavier

 

Gérard Chaliand, Feu nomade, préface de Claude Burgelin, postface d’André Velter, Poésie/Gallimard, n°520, novembre 2016, 192 p. – 7,20 euros

Aucun commentaire pour ce contenu.