Gérard Chaliand : Feu nomade ou feu de paille ?

Sans doute Gérard Chaliand aurait du faire comme Rimbaud, s’arrêter d’écrire le jour de ses vingt-cinq ans et ne se concentrer que sur ses nombreux périples à travers le monde, dans les zones de conflits…
Mon règne a commencé par un immense hiver
Il y a si longtemps je m’en souviens à peine
des forêts immergées où se fige le cri
j’ai fui
mon corps obscurci de racines et ma peur de la nuit.
Je dormais sous la roche
les épaules meurtries la poitrine de pierre
et ma peur de la nuit.
Étonnant destin que celui de cet homme qui plaqua tout à seize ans, quitta le domicile familial à dix-huit, parcouru ensuite le monde avec une nette prédilection à jouer au guerrilero, devenant au fil du temps un spécialiste des guerres de libération et des tactiques militaires non occidentales. Il en fit son métier, en quelque sorte, entre publications d’atlas géostratégiques et cours donnés dans les plus prestigieuses académies militaires du monde entier, de la Russie aux États-Unis…
Rien d’étonnant alors à ce que le
style se soit perdu, la magie première des années 1950-1959 envolée vers une
écriture plus structurée, normative et donc moins encline à ouvrir sur des
images, à rappeler des odeurs, à réveiller des émotions.
Et si la beauté survit au carnage, la poésie n’en est pas pour autant un
récit qui se déroule, ni une liste commémorative d'amis disparus, ni un film qui défile sous nos yeux mais plutôt un feu
d’artifice, un crépitement de sensations et de musique.
Donnez-moi la femme la plus ivre
la plus belle de vivre
la nuit de son ventre
ses lunes d'orages.
(...)
Que l’homme heureux tue le coq de l’aube
fasse du jour naissant une nouvelle nuit.
François Xavier
Gérard Chaliand, Feu nomade, préface de Claude Burgelin, postface d’André Velter, Poésie/Gallimard, n°520, novembre 2016, 192 p. – 7,20 euros
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