Gérard Titus-Carmel et l'aventure humaine

Gérard Titus-Carmel offre une anthropologie de la perception dans cette désolante seconde où je me retrouvais soudain rendu biais à moi-même. Dans ce but l'auteur se fait au besoin le capteur du moindre, des petites choses. Celles qu’on oublie souvent de prendre le temps de regarder et de comprendre.

Pour un tel schéma de l’extrême lucidité le poète a besoin d'introduire un "coin" : il fracture en deux le texte : d'un côté le poème "pur", de l'autre l'adjonction qui permet de préciser que toute approche ne peut se limiter à une monomanie. D'où cette suite d'épisodes temporels et causaux. Ils transforment le  livre en un déroulement comme au cinéma plus que dans une exposition. Si bien que toute présence possède son avers et il s'agit pour le poète de traquer la bête et non dans le reflet d'un simple profil. 

La langue devient ici lumineuse et sans le moindre effet pour serrer de plus près ce qui est, qui nous sommes. D'où la réussite exceptionnelle de ce qui devient une histoire étrange et la plus simple. Tirer un portrait, faire qu'un corps parle demandent donc un travail qui renverse le réel là où lorsqu'elles apparaissent les images deviennent de nécessaires passeuses.

Elles soulignent au besoin que nous ne nous appartenons pas – du moins comme nous le croyons – et qu'il convient d'abandonner notre demeure devenue parfois peau morte étrangère. Tel est donc la maison de l'être qui dans ce théâtre poétique, mental et physique représente celui de l'aventure humaine dans ses plis et feuilletés loin des paroles trop vaines / & d'aveux obtenus pas lassitudes.
Le mensonge étant arrivé à bout de course il s'agit alors de parler entre minceur et mémoire au moment où le présent se monte à cru.

Jean-Paul Gavard-Perret

Gérard Titus-Carmen, Travers du temps, Tarabuste, mai 2022, 148 p.-, 16€

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