Écrivain italien (1927-1987) fut poète, romancier, journaliste, nouvelliste, scénariste, critique littéraire et journaliste sportif. 

Mon frère italien, itinéraire de deux vieillards perdus dans leur époque par Giovanni Arpino

Poursuivant son travail de réédition de l'œuvre de Giovanni Arpino, grand romancier italien jusqu'alors assez méconnu en France, Belfond publie 
Mon frère italien (il fratello italiano), initialement paru en 1980, roman assez magistral par la qualité d'écriture et d'ambiance, mais qui est surtout marque le hiatus entre deux époques d'une Italie qui perd son identité dans la modernité.

Carlo Botero, maître d'école à la retraite, veuf, figé dans sa conception du monde et peu désireux d'en sortir, qui ne quitte guère son appartement où trône le chat Staline. Il ne voit plus le monde qu'au travers du prisme du journal qu'il lit religieusement, surtout pour critiquer les modernités, et râler que l'Italie, ni l'Histoire, n'est plus ce qu'elle était. Rien ne semble pouvoir ni l'intéresser ni le soulager d'exister encore. Survient sa fille, qu'il n'aime pas, et qui lui impose une mission : tuer Pépito, qui l'a offensé. Que voilà une terrible aventure pour un frèle vieillard !

« La jeunesse, elle ne me fait même pas rire »

Dans son périple maladroit pour retrouver Pépito, Carlo Botero est pris à parti par des malfrats et se retrouve roué de coups et dépouillé, jusqu'à l'intervention de Raffaele Cardoso, ouvrier à la retraite venu en ville accomplir sa propre mission : tuer sa fille devenue catin pour rendre à la famille le rien d'honneur qui pourrait lui rester. Et ce sont deux vieillards infortunés, blessés par la vie, plus à leur place dans ce monde qui a évolué sans eux, qui vont se donner la main et découvrir, dans cette camaraderie fortuite et étonnante de deux hommes que tout oppose, mais que l'acte extrême va unir, la simplicité d'une fraternité humaine.

Mon frère italien est un roman dont l'intrigue en suspension, propre au style d'Arpino, passe bien après la peinture non pas des personnages en eux-mêmes mais des personnages en tant que symboles d'un temps qui est passé douloureusement sans eux. Le temps, palpable, n'offre aucune perspective, pas même la satisfaction d'un héroïsme précaire. Deux vieillards qui, au moment de quitter le monde, auront découvert le sens de l'amitié fraternelle, qui va les consoler d'avoir vécu. Très beau roman, porté par une écriture tout en suspension qui s'oppose à tout ce qui fait la littérature moderne, à tout ce qui est vulgaire, ce qui lui donne une valeur de contrepoint remarquable. 


Loïc Di Stefano 

Giovanni Arpino, Mon frère italien, Belfond, août 2011, 220 pages, 16,50 euros
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