Druuna, tome 1 – Morbus Gravis + Delta

Le futur. L’humanité a été frappée de plein fouet par un grave virus qui transforme les hommes en mutants difformes. L’épidémie a ravagé une grande partie de la population qui survit dans une immense cité saccagée. Une seule solution pour les malades : se voir administrer une drogue limitant la propagation de la maladie. Les plus chanceux, encore sains, peuvent espérer être sélectionnés pour rejoindre les niveaux supérieurs de la ville, où les attendent le paradis. Et dans les sous-sols, vivent les rebuts de la société, les dangereux mutants…
Druuna est une magnifique jeune femme qui tente de survivre dans ce monde apocalyptique. Elle cache son compagnon, Schastar, gravement malade ; pour le soigner, elle doit vendre son corps pour lui payer ses doses de drogues…

 

Dans un entretien à Télérama, Serpieri explique : « Un jour, j’étais sur la plage en train de parler avec des amis. Une jeune femme est arrivée, elle devait être brésilienne. Elle portait juste un maillot de bain rouge et elle était topless. Mes amis et moi nous nous sommes arrêtés de parler ! La jeune femme est entrée dans l’eau, elle s’est baignée et elle a nagé. Quand elle est sortie de l’eau, elle s’est retournée et, à mon regard, elle a compris combien cette vision magnifique m’avait stupéfait. »

 

C’est à ce coup de foudre, à cette Vénus de Milo brésilienne (si je puis dire), qu’on doit la création de Druuna, personnage fétiche de Serpieri, auteur italien et dessinateur phare de la bande-dessinée érotique, voire pornographique, au côté de Manara et Crépax. Les éditions Glénat ont eu la bonne idée de rééditer les aventures de Druuna, en compilant les deux premiers tomes en un.

 

Car Serpieri, loin de se contenter d’aligner des scènes osées, imagine et développe un univers de science-fiction, descendant lointain et barré du Metropolis de Fritz Lang ou de la Machine à remonter le temps de H.G. Wells. On pense aussi à Tetsuo, film déviant, malade et halluciné du japonais Shinya Tsukamoto, dans cette représentation de la chair et du métal, cette opposition entre l’organique et l’acier. Tout ceci pour dire que Serpieri a aussi quelque chose à raconter, et un monde à évoquer. Comme une peur inconsciente du métal et de l’informatisation, de l'uniformisation de notre société, qu’il combat à coups de crayon érotiques.

 

Évidemment, la grande force de Serpieri tient aussi dans son trait travaillé (les décors sont souvent aussi soignés que les personnages), mais surtout dans les formes plus que voluptueuses de Druuna, son héroïne. Là où Manara brille par sa simplicité d'un trait hérité du franco-belge, Serpieri aime hacher les ombres pour dessiner les volumes et souligner les courbes. Druuna a quelque chose d’une force érotique primaire et gironde dans sa représentation sensuelle, un côté brut et sauvage qui colle parfaitement avec l’ambiance de fin du monde.

 

Druuna raconte aussi en creux une époque, celle des années 80, où on pouvait produire des œuvres transgenres, c’est-à-dire mêlant ici horreur, SF et érotisme (comme Alien de Ridley Scott, par exemple). Probable qu'un jeune dessinateur ne pourrait plus sortir un Morbus Gravis de nos jours… Quoiqu’il en soit, l’univers de Druuna est à redécouvrir de toute urgence, d’autant plus qu’une préquelle vient tout de juste de sortir (toujours chez Glénat) : on y reviendra très vite.

 

 

Stéphane Le Troëdec

 

 

 

Serpieri (scénario & dessins)

Druuna, tome 1 – Morbus Gravis + Delta

Édité en France par Glénat (20 janvier 2016)

160 pages

19,50 euros

ISBN : 9782344013540

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