Superman action comics : nouvelle aube pour l'homme d'acier

Un contexte difficile
Voici un nouvel album
de Superman qui propose une relecture de ses premières aventures. Ce n’est pas
la première fois : en 1987, suite à la saga Crisis on infinite earth, le dessinateur et scénariste John Byrne -
connu pour son passage remarquable et remarqué sur la série X-Men - avait réécrit les origines et
l’arrivée à Metropolis, en retirant beaucoup d'éléments qui paraissaient dépassées à l'époque..
2011 : branle-bas de combat chez l’éditeur historique, DC : le marché des comics est en crise (il ne s’est en fait jamais remis de la dernière, celle des années 90) ; l’équipe dirigeante décide de repartir de zéro en confiant les séries emblématiques à des équipes créatives motivées. C’est ainsi que le scénariste écossais Grant Morrison arrive sur Superman.
Un auteur motivé
Le moins qu’on puisse
dire c’est qu’il ne s’agit pas n’importe qui : auteur d’un graphic novel sur Batman - Arkham Asylum, qui s’est vendu à plus de
500 000 exemplaires -, il s’est
fait remarquer par ses reprises des X-Men et de Batman. Grant Morrison aime à
bâtir des intrigues riches, complexes, jouant sur la dualité des personnages,
les menant dans des aventures dans lesquelles ils doivent repousser leurs
limites. Il joue aussi avec les codes du medium tout en montrant à chaque fois
son profond amour du genre. Car, paradoxalement,
cet artiste, qui semble être moderniste, est un fan des années soixante - connu
des fans de comics comme le Silver Age -
et de tout le folklore autour du Superman de cette époque : tout ce qui a
été autrefois défait par John Byrne lui plaît. Il a en outre écrit un all star Superman - numéro spécial où
l’éditeur lui laissait une liberté complète - dans les années 2000, vibrant hommage au Silver Age, et réintroduisait le chien Krypto, la période « Superboy » (à la mode depuis que la
série télé éponyme a eu le succès qu’on lui connaît), etc… inutile de dire que
son arrivée sur la saga Superman génère pas mal d’attentes.
Retour aux sources
On a effectivement droit à un retour aux origines. Superman n’a pas son costume, défie les forces de l’ordre et est un vigilante dur à cuire : ce n’est rien d’autre que ce qui était écrit dans les comics de Jerry Siegel et Joe Shuster en 1938. Parallèlement, il n’a pas encore tous ses pouvoirs, ne vole pas (se contentant de bondir ou de courir). Le personnage gagne alors en intérêt ; il doit apprendre sur lui et sur ses limites.
Clark Kent/Superman tombe
entre les mains de Lex Luthor (ben tiens), qui travaille pour l’armée
américaine avec le personnage, il s’évade et découvre le vaisseau qui l’a amené
sur Terre enfant, qui éveille en lui son côté kryptonien - on voit ici une
reprise de scènes similaires développées dans la série Smallville.
Bientôt un quartier entier de Metropolis se volatilise. Superman est envoyé dans l’espace et défie l’extraterrestre Brainiac, une sorte de collectionneur fou qui vole des villes entières avec leurs habitants sur des planètes qu’il estime condamnées. En possession donc une ville volée sur le monde natal de Superman, il le reconnaît comme Kryptonien. C’est à son contact que Superman en découvre plus sur sa véritable identité. Il y gagne également son costume (différent de l’habituel et désigné par Jim Lee, Sup’ a désormais un col : pour éviter d’attraper froid ?).
L’ambition du démiurge

L’album est jusqu’ici plutôt bon mais en même temps déçoit : on s’attendait à quelque chose d’un peu plus fou. L’auteur est réputé pour ses histoires à tiroir et là les choses sont linéaires, simples. Rags Morales, le dessinateur, livre une prestation plaisante, avec un découpage dynamique mais sans non plus une grande originalité.
Les dernières pages,
dessinées par le solide Andy Kubert, montre un Morrison jouant avec le thème du
voyage dans le temps : tandis que Superman quitte le satellite de
Brainiac, une version adulte de lui-même arrive, en compagnie des membres de la
Légion des super-héros, personnages du futur qu’il connaît depuis son enfance à
Smallville (encore une réintroduction directe des idées développées dans le
passé). Ce Superman du futur doit affronter un ennemi, venu voler le vaisseau qui
l’a amené sur terre. Las but not least, cet ennemi connaît sa faiblesse - la
kryptonite verte. Or il ne peut se dérober à ce combat : ce vaisseau va
permettre à sa version plus jeune d’en apprendre plus sur lui-même. Superman
doit affronter ses limites. C’est ici du très bon Morrison.
Dans les notes,
présentées dans les dernières pages de l’album, les auteurs expliquent qu’ils
ont voulu à la fois revenir au personnage original tout en le rénovant. On sent
ainsi chez leur Superman la fougue de l’adolescence, l’envie de montrer ses
pouvoirs, presque une jouissance à en user, comme pour faciliter
l’identification chez les lecteurs. Là, le bât blesse : Morrison ne peut
ignorer que le lectorat est maintenant réduit, majoritairement constitué de
jeunes adultes. Or ceux-ci ont grandi avec une autre version de Superman et
peuvent rejeter que cette nouvelle version de leur héros, teenage endiablé. C’est là une des limites de la série.
En même temps, cette version peut plaire aux amateurs de la série Smallville. Reste alors à Morrison à étudier le côté « Clark Kent » du personnage, relativement mis de côté ici. On attend en tout cas la suite avec impatience : Grant Morrison commence tous ses passages sur une série plutôt calmement, puis prend de l’ampleur et finit en apothéose. Alors vas-y Grant, fais-nous rêver.
Sylvain Bonnet
Grant Morrison/ Rags Morales / Andy Kubert / Gene Ha, Superman tome 1 : Génèse, octobre 2012, 256 pages, 22,50€
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