Alexandre Arcady : l'art du lézard

À une certaine époque, je rencontrai Alexandre Arcady au moment de la sortie de chacun de ses films. Cela commença en 1991 avec Pour Sacha. Ce qui m’avait frappé la première fois était l’espèce de mallette qu’il transportait avec lui. Il s’agissait en réalité d’un téléphone portable énorme (il en parle brièvement dans son livre) dont il m’expliqua le fonctionnement. Par la suite, et à chacune de nos rencontres, il trimballait avec lui le dernier cri en matière de téléphonie. Évidemment – et heureusement pour lui – les appareils étaient de plus en plus petits et de plus en plus performants. Mais toujours présents sur la table ou à portée de main !

Je ne peux pas dire que je sois fan de tous ses films mais j’ai toujours apprécié nos rencontres. L’homme est disert, chaleureux, marqué par une farouche volonté de convaincre, sans jamais se départir de son sourire. Il ne manie pas la langue de bois et croit tellement en ce qu’il fait qu’il ferme les yeux sur les erreurs et les défauts.


Surtout, et cela aussi est très étonnant dans le métier, il ne compte pas son temps. Lors de notre dernière entrevue (en 2008 pour Tu peux garder un secret ?), il prolongea l’interview pour parler de tout et de rien. Sur les centaines de personnes que j’ai interrogées dans ma carrière, il est l’un des rares à m’avoir demandé : « Et vous, comment ça va ? », dépassant la banale formule de politesse. Tout ça pour dire que ce monsieur a une valeur propre qui le classe à part.


Aujourd’hui, il commet son autobiographie. L’ayant écrite lui-même (c’est rarement le cas !), elle est parfaitement conforme à sa personnalité et même à ses films. La vie et la pensée d’Alexandre Arcady reposent sur trois bases : le cinéma, le judaïsme, l’Algérie. Tous sont présents au quotidien. Tous sont présents dans ses propos. Tous sont présents dans ses films. Et, bien entendu, tous sont présents dans son livre.


En conséquence, celui-ci ravira les inconditionnels d’Arcady et confortera ses détracteurs. Car, soyons honnête, ce trio se révèle parfois encombrant. Dans ses œuvres, cette volonté de les imposer sur l’écran alourdit le spectacle, pour ne pas dire qu’il le plombe. Si cela fonctionne dans Pour Sacha ou même dans Le Grand Pardon et, bien sûr, L’Union sacrée, cela devient gênant, voire pénible, dans Comme les cinq doigts de la main qui part d’une bonne idée pour foncer droit sur chape de béton.


Mais tel est Arcady. On ne le changera plus. Et on n’aura aucun intérêt à le changer puisque ce trio forme sa personnalité, soutient son talent.


Ici, donc, il parle d’Alger. Le titre du livre fait référence à l’adresse où il naquit et grandit. Il parle du « retour » en France, des difficultés de vivre autour de Paris. L’Algérie est dans son cœur, Alger dans ses racines. Il y fera toujours référence et effectuera de nombreux voyages pour voir l’évolution d’un pays qui lui est cher. Tout en évoquant ces terres pas si lointaines, Arcady traite du judaïsme, du sionisme. Eux aussi au cœur de ses films, au cœur de sa vie.


Enfin, cet ouvrage parle de cinéma. Tous les films y sont traités avec plus ou moins de détails. Arcady ne nous cache pas grand-chose, sans pour autant entrer dans d’inutiles considérations. Le lecteur y aura notamment la confirmation de la duplicité d’un Richard Berry, connue dans le métier depuis longtemps. Et les fans de Patrick Bruel seront aux anges, car il y est souvent présent.


Mais, encore une fois, ce livre étant fidèle à son auteur, il n’est pas question que ce dernier y fasse son mea culpa. À ses yeux tous ses films (sauf, peut-être, Entre chiens et loups) sont bons et auraient mérité un plus grand succès (Arcady est d’ailleurs très discret sur les résultats au box-office). Après tout c’est une autobiographie et il n’a aucune raison de se dévaloriser. Mais, peut-être, qu’un peu plus de clairvoyance…

Bref, c’est un livre sincère, honnête, passionné. Le parcours d’une vie strié de cris du cœur. Un livre d’Arcady qui ressemble à un film d’Arcady.


Dans l’avant-dernière page, Alexandre affirme détester les smartphones. Aurait-il changé ?



Philippe Durant



Alexandre Arcady, 7 rue du LézardGrasset, mai 2016, 351 pages, 20,90 €


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