Gaël Faye, Petit pays
Et puis, il y a la peur qui survient et bientôt un coup d’état, le déchaînement de violence, la guerre, la terreur à laquelle nul ne comprend rien. Le couvre-feu est déclenché, des villages, des écoles sont incendiées, les élèves brûlés vifs.
Tout s’accélère avec l’assassinat des présidents du Burundi et du Rwanda, la famille de sa mère est assassinée. Elle qui a du ramasser les corps de ses neveux qui gisaient là depuis trois mois "bout par bout" perd la raison. La femme élégante devient un fantôme et raconte à ses propres enfants comment elle a tenté d’enlever les taches que les cadavres avaient fait dans la maison, ceux des cousins avec qui ils jouaient il n’y pas si longtemps…
La guerre fait rage, les repères explosent les uns après les autres.
Vingt ans plus tard Gaby qui a fui avec tant d’autres en Europe revient "exilé de son enfance" pour découvrir que les ravages du conflit sont encore plus présents que jamais et qu’il devra en assumer les conséquences "sans savoir comment cette histoire finira".
Dans ce premier roman éblouissant de force et de maturité, Gaël Faye associe comme rarement la fin de l’enfance et celle de l’innocence. Le passage vers la maturité se fait dans la violence la plus extrême et le personnage ne s’en remettra jamais.
Du paradis vers l’enfer : l’auteur est aussi à l’aise pour raconter les doux après-midis d’Afrique d’avant la chute que le conflit absurde, les journées noires rythmées par le tir des AMX-10 dans les collines, les mots de Tustsi ou Hutu qui apparaissent soudain alors qu’avant il n’y avait que des copains, blancs, métis ou africains.
Petit Pays a sa musique propre, tour à tour tendre et douce, violente et déchaînée mais toujours empathique. Salué par le Prix Fnac et le Goncourt des lycéens, ce livre sur l’enfance et l’exil, l’identité, la nostalgie d’un monde et d’un âge à jamais perdus dans une même tragédie, envoûte définitivement.
Brigit Bontour
Gaël Faye, Petit pays, Grasset, août 2016, 215 pages, 18 €
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