La séquestration, selon Nicolas Cano

Dans un espace propre à dominante de blanc, un homme vit un cauchemar. Il est enfermé  (séquestré?) dans un espace high tech de deux mètres sur trois, sans porte ni fenêtre, évoquant les hôtels-capsules japonais en bien pire.  Sa vie défile en photos sur un écran. Il n'a accès ni à ses mails ni à Facebook, seulement à Wikipédia ou Google Maps. 

Dans cet enfer organisé, surveillé en permanence par des caméras, il n'a qu'à toucher l'écran tactile pour disposer à volonté de coca light ou de plats lyophilisés.  Privé de repères temporels, Il ne tient que grâce à un simulacre de normalité : le minuteur du micro ondes lui indiquant que trente minutes viennent de s'écouler, l'écriture de choses insignifiantes sur une page de son traitement de texte. Grâce aux images qui passent en boucle, il revit des moments de son existence : la beauté de son filleul à Venise ou à Milan, ses liens avec sa gardienne, ses flâneries le long du canal Saint Martin, la douceur de l'existence à Paris avant. Avant quoi, on ne sait pas précisément  mais on le devine.

On sait qu’il fut critique, du genre élitiste à Libé,  il est question d'un portrait de dernière page. Sans doute, y a-t-il eu une révolte, une révolution, sans doute, a-t-il  été arrêté de façon tout à fait arbitraire. Des manifestations, un référendum portant sur la révision du droit de grève, la criminalisation de l'action syndicale sont évoqués.  
Dans ce monde totalitaire, glaçant à la Kafka où on peut être arrêté de façon arbitraire par le personnage d'un roman de Philippe Claudel, l'auteur préfigure une société où la moindre opinion exprimée un jour sur les réseaux sociaux peut être un motif de détention dans cinq mètres carrés. Où Robocops et blindés légers chargent dans la ville-lumière, tandis que les derniers humains libres tentent de communiquer avec le hashtag  Resist#Bastille. 

Tout dans cet univers dématérialisé donne le vertige et fait écho aux peurs les plus primaires qui ramènent aux jours mauvais, dans lesquels les concierges d'immeubles dénonçaient les juifs. 
La lecture de La séquestration s'avère aussi terrifiante que salutaire quant aux temps sombres qui s'annoncent entre fake news et populisme.

Brigit Bontour

Nicolas Cano, La séquestration, Grasset, mars 2019, 124 p.-, 14 €

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