Bienvenue à "Zen City", le monde parfait du consommateur pavlovien selon Grégoire Hervier

Après nous avoir fait frémir sur la télé réalité avec Scream Test,
Grégoire Hervier reprend sans complexe son style imparable mêlant rythme, humour et suspens et nous plonge dans la cité idéale d'un futur très proche et très angoissant...

Dominique Dubois est le parangon de la normalité, il est presque exceptionnel de médiocrité. Pour échapper à l'enfer de sa nullité parisienne, il postule pour un emploi à Zen City, ville-utopie promise à un bel avenir, tout y étant fait pour le plus grand confort et la plus grande sécurité de ses habitants, les Zens, comme une sorte d'immense bulle où travailler au développement de nouvelles technologies et vivre dans un havre unique. Tout est beau, parfait, lisse. Tout est fait pour l'environnement, tout est écologique et feng shui... Mais tout est sous contrôle, la vidéo-surveillance, un système de puce électronique implantée en chacun et qui est comme un marqueur de ses actes en temps réel, un big brother omnipotent, les pires cauchemars d'Orwell sont là, réunis dans un seul but : développer la soif acheteuse.

« On dit que c'est quelque chose de plus efficace que la publicité, le marketing, le branding, le discount et l'obsolescence programmée réunis. Un projet qui utiliserait toutes les potentialités des dernières avancées technologiques en matière de manipulation et de contrôle de la consommation. La pierre philosophale des industriels et des distributeurs de toute la planète, une méthode pour nous faire consommer toujours plus et tout ce qu'ils veulent ! »

Sous la bulle, se cache en effet un complexe économique développant un modèle nouveau de commercialisation, presque pavlovien, en faisant de chacun non pas un consommateur, encore moins un consommacteur, mais le porteur d'un crédit qui sera dépensé à la guise des entreprises... le client idéal, qui achète ce qu'on lui dit, quand on le lui dit !

Dominique Dubois, dont on suit avec beaucoup d'amusement les propres découvertes d'abord au travers de son blog (et là Grégoire Hervier s'amuse comme un petit fou, notamment avec les commentaires des internautes...) puis de son journal intime, est l'actant d'un drame qu'il ne maîtrise ni ne souhaite, et dont il va être le centre sans s'en rendre compte. Quasiment tous les événements lui échappent, de sa rencontre avec Natouchka à son entrée dans un réseau de « résistance », au choix même de Zen City d'en faire celui par qui le modèle opératoire de la super consommation va être rendu possible... Parfois on pense au Prisonnier, « bonjour chez vous » trouvant en écho un « see you nara » aussi vide que formalisateur, et tout étant sous un contrôle invisible et d'autant plus oppressant, dès que l'on dévie un tant soit peu du modèle.

Reprenant plusieurs éléments de Scream Test, la peur, les mensonges qui cachent d'autres mensonges, la manipulation, les avancées technologiques, l'homme-cobaye, la mise à terre de la Liberté au profit d'autre chose, le plus inquiétant peut-être, pour un esprit serein, reste sans doute que Grégoire Hervier ne délire pas un roman d'anticipation mais utilise pour faire craindre le pire le nec plus ultra de la technologie réelle. Son talent d'auteur est là, qui pointe nos faiblesses devant les promesses du tout-technologique-pour-le-bien-de-l'humanité, et fait de l'homme, dans la lignée des utopies noires comme Blade Runner, Terminator ou Matrix, la victime de son propre génie.

Loïc Di Stefano

Pour poursuivre sa plongée dans Zen City, la visite du site s'impose : ICI.

Grégoire Hervier, Zen City, Au Diable Vauvert, janvier 2009, 364 pages, 18,50 euros

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Parution en poche chez Pocket de Zen City, l'occasion de redécouvrir un excellent roman d'anticipation
Pocket, mars 2013, 7,22 eur 

I am a Illuminati

Ressemble beaucoup - mais alors vraiment beaucoup, voire beaucoup trop ! - au livre de Dave Eggers "The circle" ("le cercle" paru en France en avril) mais disponible en anglais depuis bien plus longtemps... De Grégoire Hervier, lisez plutôt "Vintage", bien meilleur à mon avis

Vintage va être lu, ou, mais pour le reste, si vous "subodorez" un plagiat, n'en restez pas à la suggestion, contactez les spécialistes de cette questions et tirez les choses au clair