Grégory Rateau : tenir

Grégory Rateau vit aujourd’hui en Roumanie où il dirige un média. Il est l’auteur d’un premier roman, Noir de soleil, chez Maurice Nadeau et d’un recueil de poème Conspiration du réel.
Le titre de ce dernier est bien trouvé pour résumer ces fragments de vie où l'errance et l'exil sont là et animent un univers de souffrances diverses à travers des choses vues comme disait Hugo mais surtout des êtres malmenés par la cupidité des maîtres. Ceux-là tentent malgré tout d'exister.
Et ce, en un appel à la révolte implicite. Mais aux mots d'ordre chers aux hâbleurs dont les injonctions restent lettres mortes, l'auteur préfère la force d'une poétique qui métamorphose le réel en images verbales pour lui donner un sens.

Entre les dockers hébétés d'un port du sud, aux jeunes mendiants de Bucarest séraphins ivres livrés à eux-mêmes,  les dérives sont saisies telles quelles. À la fureur bien peu opérationnelle lorsqu'il s'agit d'écrire, Rateau opte pour une fraternité implicite.
Tout "étranger" perdu reste un semblable, un frère qu'il ne s'agit plus d'occulter. À ceux qui s'arrangent comme ils peuvent dans le métier de vivre, chaque poème offre une dignité.
Le poète tente de sauver et de ratisser ce qu'il peut. D'où ces mots : Je sais maintenant où jeter l’ancre sans peur dans les bas-fonds où les courants murmurent une dernière fois avant de définitivement se taire c’est d’ici. Il ne s'agit pas de fuir mais encore de parler pour tenir.

Jean-Paul Gavard-Perret

Grégory Rateau, Conspiration du réel, préface de Catherine Dutigny, Unicité, septembre 2022, 78 p-., 12€

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