L'art de l'insulte, ou comment rater sans grand souffle un petit recueil de méchancetés qui avait a priori tout pour plaire

Voici un petit volume d'abord très sympathique mais qui souffre du même défaut que son illustre prédécesseur, le Dictionnaire des injures littéraires de Pierre Chalmin : l'objet n'est pas à la hauteur des promesses savoureuses du titre. Pas de vraies insultes, à part quelques raretés, pas de grande véhémence, pas de violence ni d'invectives, mais un ensemble, il est vrai assez savoureux, de piques et de répliques, de poèmes et d'extraits de textes qui peuvent être porteurs d'une certaine liberté de ton. Si cette liberté est elle-même mise en avant par l'éditeur pour vanter les mérites de ce petite anthologie, pour combattre la « toute-puissance du politquement correct ».

Pourtant, le « casting » est alléchant. Céline, Artaud, Verlaine, Genet, Jarry, Rostand, et tant d'autres qu'Elsa Delachair réunit. Mais, làs, les textes les plus connus. Peu de surprise, pas de vraies découvertes ou de vraies insultes. La tirade de Cyrano au Vicomte est bien emmené, elle touche sa cible, mais n'insulte pas. La lettre au Législateur d'Antonin Artaud, contient de savoureuses invectives, mais n'insulte pas. Il ne faut pas confondre, enfin, la présence de mots grossiers ou injurieux dans un texte littéraire et l'insulte, même littéraire. 

On regrettera, enfin, que l'anthologiste ne se soit pas fendue d'une vraie petite préface qui mettrait le choix qu'elle présente en mouvement. Lâchés sans direction, ces extraits se heurtent un peu les uns aux autres pour ne pas réussir à former le bel ensemble promis. On n'en était pas à demander un travail aussi abouti que l'incontournable Traité d'injurologie de Robert Edouard (1), mais le minimum eût été de mettre un peu de mouvement dans cette danse.

Toutefois, sans trop faire la moue, cet Art de l'insulte reste un léger diverstissement où piocher de temps à autre, mais, malheureusement, guère plus.


Loïc Di Stefano


(1) Le Traité d'injurologie accompagne le Dictionnaire des injures, tous les deux issus du magnifique travail de Robert Edouard, paru en 10/18 (n° 3725 & 3726), qui non seulement donne une substance aux injures, mais quasi une sémiologie. 

Elsa Delachair, l'Art de l'insulte, 10/18, mars 2012, 216 pages, 7,50 euros
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