"Elektra - tome 1", danse macabre

Il faut à peine quelques pages à Mike Del Mundo pour s'imposer comme un auteur à suivre chez Marvel. Elektra, la belle ninja créée par Frank Miller en 1981, s'exprime peu, et quand elle le fait c'est avec son corps, ses longs cheveux noirs, ses vêtements rouges et ses saïs (une paire de lames en forme de trident). Autant d'éléments visuels avec lesquels tout artiste va pouvoir se régaler.

Et dès les premières pages, Del Mundo nous livre les clés pour comprendre sa vision du personnage : une tueuse impitoyable douée d'une danseuse élégante. Une vision peut-être pas follement originale mais qui a le mérite de respecter le travail de Frank Miller. Il fallait donc pour Del Mundo allier la brutalité et la grâce, la violence et la douceur, et le moins qu'on puisse dire c'est qu'il y parvient tout au long de la centaine de pages que forment ces cinq premiers épisodes.


Ce tour de force graphique virerait presque à la démonstration par moment, puisque l'artiste varie les plaisirs, les encrages et les styles. L'impact visuel de Del Mundo est si écrasant qu'on pense immédiatement au génial dessinateur Bill Sienkiewicz, avec qui Frank Miller avait travaillé sur "Elektra Assassin" (réédité il y a quelques semaines par Panini et fortement recommandé). Del Mundo n'hésite pas à réutiliser certaines des couleurs douces et gammes de pastels de Sienkiewicz, histoire sans doute d'accentuer la filiation historique.


Après ce choc visuel, le scénario d'Haden Blackman laisse comme un goût de trop peu : Elektra, engagée pour retrouver un vieux mercenaire, ignore qu'elle est elle-même la proie d'un tueur psychopathe appelé Lèvres sanglantes. Cette double chasse à l'homme va trimballer les personnages d'une île japonaise, jusqu'en Arctique en passant par des ruines sous-marines. Mais l'intrigue s'avère au final linéaire et prévisible. Émergent malgré tout deux points forts : Blackman accorde une grande place aux séquences oniriques permettant de ciseler la personnalité des personnages, et aussi à Del Mundo d'accentuer encore plus l'aspect graphique de l'histoire (les double-pages sont tout simplement somptueuses). Et puis il y a Lèvres sanglantes, ce monstre qui mange le corps de ses adversaires pour ingurgiter leurs souvenirs et leurs pouvoirs. Mais Blackman une fois encore se repose trop sur le talent de son dessinateur et un design de personnage fascinant.


Pour un titre monté sur son nom, Elektra se fait donc voler la vedette à la fois par son dessinateur et l'ennemi du jour. Un peu comme si elle était touriste de sa propre série, et c'est là que repose le principal problème de cet album. On a le sentiment que personne chez Marvel ne veut vraiment s'attaquer au sacro-saint personnage de Frank Miller, de peur, peut-être, de le casser à jamais. Mais du coup, elle n'évolue jamais : les amoureux d'Elektra n'en sauront pas beaucoup plus sur elle à la fin de l'album. Elektra disparaît et ressuscite au fil des décennies sans que cela n'impacte réellement le personnage, vouée à revenir encore et encore à son point d'origine : telle que Miller l'a créée.


Malgré ces quelques réserves, les amoureux de beaux dessins seront indéniablement séduits par ce premier tome des nouvelles aventures d'Elektra. En attendant que Marvel associe rapidement à Del Mundo a une série de plus grande ampleur !


Stéphane Le Troëdec




Haden Blackman (scénario), Mike Del Mundo (dessins)

100% Marvel : Elektra, tome 1

Édité par Panini France (4 mars 2015)

Collection 100% Marvel

128 pages

14,95 euros

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