Michaël Borremans le nouveau maître flamand

Jeffrey Grove offre le livre-somme qui permet de faire découvrir l’oeuvre majeure de Michaël Borremans. Plus qu’un autre l’artiste belge met en scène diverses matières et manières de  notre perdition. Il montre le fantôme d'’histoires engoncées parmi ses ombres appesanties où la solitude est complète même s’il peut rester  ça et là un interstice par où passer. 

 

L’œuvre est pluriforme : elle navigue entre Hopper et Richter (c’est dire son éventail) et répercute dans ses miroirs  dégagés de tout effet décoratif toutes les interrogations de l’art contemporain. Peintures, dessins, sculptures et films prouvent la palette complexe d’une œuvre reconnue et admirée par une pléiade d’artistes de David Lynch à Jan Hoet.

 

A priori reconnaissables et identifiables les personnages peints par Borremans ne représentent en rien le monde réel. L’œuvre propose des scenarii et des situations incongrus. La réalité devient étrange, parallèle. Sa dimension spatio-temporelle se révèle hermétique. Tout est souvent condensé, opaque, difficile à identifier en une suite de séries qui parfois passent de la vidéo à la peinture, de la photographie au dessin.

 

L’artiste belge met plus qu’un autre en évidence une vision kafkaïenne réactualisée de l’individu victime de sa situation. L’œuvre prouve que l'être n’est pas libre. Il est renvoyé à un statut d’automate. Borremans le saisit selon diverses angles et cadrages. La souffrance est là comme de toujours. Mais rien n’en est « dit ». Tout reste allusif en une sorte d’entente tacite avec l’absurde. Celui-ci  est sobrement souligné par une dérision implicite et rampante. C’est magistral.

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Michaël Borremans, « As sweet as it gets », Jeffrey Grove, Hatje Cantz, Ostfilden (Allemagne), 304 p. 39,90 E.

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