Blow-Up de l’esthétique filmique à l’éthique du regard

             


 

« Blow-up », Antonioni’s classic film and photography”, edition de Walter Moser et Klaus Albrecht Schröder, Hatje Cantz, 224 pages, 39,80 E., 2014.

 

 

« Blow-up » d’Antonioni est sinon le du moins l’un des films majeurs de l’histoire du cinéma mondial. Il demeure celui de l’autrement et de l’outrement voir. Il se dresse contre le mensonge de l’image non en la dénonçant mais - paradoxe suprême - en montrant à la fois  ce qu’elle cache et la myopie de celui qui la regarde. Le réalisateur italien traite le supposé mensonge de l’image du dedans. Ce qui est bien plus pertinent que d’en dénoncer de manière trop superficielle les leurres. Antonioni prouve que la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a. Si bien que le regardeur (quel qu’il soit : acteur, peintre, photographe, comédien en herbe ou pas, mannequins, vulgum pecus)  y mêle ses fantasmes, ses grilles de lecture, ses attentes.

 

De fait selon le réalisateur l’image ne ment pas. Elle a mieux à faire : elle nous regarde la voir. Comme Gillian Hills et Jane Birkin encore nymphettes regardent le photographe les contempler avant qu’elles acceptent son jeu et son « viol » tacite. La Méduse n’est donc pas ce qu’on en dit. Ce sont les Percée affronteurs des Gorgone qui sont ses médusés : ils n’ont pas les yeux en face de leur trou. Si ce n’est dans celui de leurs illusions ou - dans le cas du héros du film - de son  sentiment d'absurdité de l'existence. Elle fit de lui un Etranger d’un nouveau genre».

 

« Blow-up » reste à ce titre le monument cinématographique. Il  s’inscrit en faux contre les enchâssements de sophismes et d’outrances que  les Lanzmann ou autre Wajcman ne cessent d’adresser au cinéma. Le filmique peut ouvrir à une connaissance. Elle fait de sa « légende » quelque chose d’immémorialement beau mais qui réclame une attention. La qualité esthétique d’un tel film l'implique jusqu’à devenir une véritable éthique du regard.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

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1 commentaire

Il est intéressant, après avoir vu Blow Up, d'enchaîner sur The conversation de Francis Ford Coppola et Blow Out de Brian De palma (ce dernier, comme à son habitude, ayant tendance à copier ses devanciers), tant ces trois films entretiennent des rapports étroits sur le thème de la vérité de l'image (et du son).