Ce qui fait bouger l’espace et ses représentations – Lee Miller


Elle utilise la perception visuelle afin de développer un dérangement optique. Il déplace le centre de notre émotivité visuelle vers quelque chose de plus profond. La sublimation de la beauté comme de l’horreur de la réalité a donc évolué au fil de l’œuvre de Lee Miller : la dérive surréaliste expérimentale a glissé vers quelque chose de plus passionnant car poussé plus loin. Le réel est transfiguré non par outrance baroque mais par réduction ou condensation à travers de simples prises où l’identité est caviardée en des œuvres produites tant par l'affect que par l'intelligence.

L’absence partielle du réel « totalisé » rétablit un autre équilibre. Il ne s’agit plus de le trafiquer à coup de représentations ou de constructions mais d’aller vers une nécessité de saisir la vie. Le noir-et-blanc vertèbre une vision distanciée et crée une image plus sourde. Si elle n’ajoute rien, elle ne retranche pas (au contraire) malgré tout ce qu’elle vide. L’artiste conserve de l’apparence que ce qui en a coulé et l’imaginaire développe une épaisseur cachée. Lee Miller ne crée donc pas un monde de façades mais son contraire. Le réel s’ouvre, se laisse écarter par un œil attentif animé par l’impulsion du vivant.
Jean-Paul Gavard-Perret
Walter Moser& Klaus Albrecht Schröder, « Lee Milller », Hatje Kantz, Ostfildern, 144 p., 45 Euros, 2015.
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