La critique artistique en acte : Andrea Fraser

L’œuvre de l’artiste américaine appartient à la «critique performative», une des formes de l’actionnisme. Influencée par Pierre Bourdieu, l’artiste propose la déconstruction des institutions muséales : elle en rappelle le contexte politique et économique, ses valeurs, ses symboles afin de suggérer comment se crée un système d’exclusion des plus discutables. Une telle stratégie  a commencé dès les années 80. L’artiste y endossait un rôle : celui de  Jane Castelton, conférencière bénévole bon chic, bon genre. Se succèdent de nombreuses performances et interventions : « May I Help you ? », « Official Welcome »  ou encore « Little Franck and His Carp » vidéo où de conférencière Fraser devient une visiteuse qui réagit de manière hystérique et décalée au discours enregistré de l’audio-guide du musée Guggenheim de Bilbao.

 

La force des performances tient aux qualités d’actrice complètement décomplexée de la créatrice. Elle joue le vérisme jusqu’à l’outrance en utilisant pour ses discours des extraits de textes officiels écrits par les responsables de grands musées, d’ouvrages théoriques ou de déclarations d’artistes. L'effet est sardonique et désopilant. L’artiste réalise parallèlement des installations et des photographies et a rassemblé ses textes théoriques et ses synopsis dans « Museum Highlights » avec une préface de Pierre Bourdieu. En excluant de l’image tout de ce qui en fait image conditionnée, l’artiste interroge les conditions d’existence de l’art en le portant vers un point de rupture. L’action en renaît puissamment dépouillée de ses éléments de pacotille. Ils sont  remplacés par des apparats scénographiés critiques.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

Andrea Fraser, Eponyme, Hatje Cantze, 2015, 304 page, 45 Euros.

 

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