Lumineux, aérien, renouvelé, le Paris de Jean Dufy

Il avait un nom, il s’est fait un prénom. Pas facile à côté d’un frère qui a une telle renommée ! Jean Dufy est sûrement moins connu que Raoul, mais regardons bien son œuvre. Elle porte un message tout aussi lumineux, vivant, habité de la joie que les couleurs de sa palette posent sur Paris. Car il s’agit ici de cette ville regardée comme on aime une personne, dans ses détails,  ses amplitudes, ses replis, ses  son quotidien. L’Ile de la Cité survolée, l’Hôtel de Ville détaillé dans sa façade depuis le quai d’en face, la rue Royale qui s’agite et s’active, les chevaux et les calèches qui circulent entre le Grand et le Petit Palais, Montmartre déjà baigné des ombres du soir. Des cieux bleus, avant tout, ou plus nuageux pour renforcer l’avancée de l’heure ; des gens qui sont une foule en soi ; des monuments qui témoignent sans raideur de leur histoire, comme l’arc du Carrousel, la Colonne Vendôme, le clocher de Saint-Germain des Prés ; des rues qui ne se trouvent qu’à Paris, avec leurs terrasses, les élégantes qui passent ; des bateaux qui voguent sur une Seine translucide, fleuve reflet de l’air léger, eau mouvante dont on perçoit le courant, voilà le Paris de Jean Dufy. Aquarelles, huiles, gouaches, entre 1929 et le début des années soixante, l’artiste a planté son chevalet dans les angles justes, aux coins voulus, aux pieds des édifices accordés en fonction des perspectives les meilleures, suivant ses goûts, son inspiration. Afin de capter ces instants où la ville s’émeut, déambule, travaille, commerce, se distrait, il s’en fait le courtisan discret mais pas moins attentif à sa rumeur et ses humeurs. Le style certes a changé, il s’est allégé avec les ans, les tons se sont dilués et en disent plus, cependant. Mais l’amour de la main qui peint en décrivant Paris est le même. Le pinceau livre la ville aux yeux du passant comme un poète récite des vers, à la fois vite et en détaillant chaque mot, ici les façades, les ponts, un arbre, les grilles d’un jardin. Il souffle sur chaque tableau « une onde joyeuse, celle de ces hommes et de ces femmes devenus acteurs du plus grand décor de théâtre du monde ». 

Jean Dufy (1888-1964) a beaucoup voyagé, beaucoup exposé. Il a côtoyé Apollinaire, Braque, Picasso, Derain. Il a eu un complice, son frère. Leur rupture en 1937 surprend. Mais il a rencontré aussi Erik Satie, Darius Milhaud, Francis Poulenc. Voilà pourquoi sa peinture est en plus une musique qui se fredonne, avec entrain, douceur et liberté.


Le lecteur fait une promenade en suivant un guide qui a pour plan la marche de son admiration pour cette capitale multiple dont il évoque un à un les charmes. Ce petit ouvrage est introduit par Jacques Bailly, spécialiste de Jean Dufy. Il compte vingt quatre tableaux, choisis avec soin parmi tant d’autres. Pour montrer combien entre Paris et son peintre, leurs liens étaient une célébration et un hommage.


Dominique Vergnon


Jacques Bailly, Paris aux cent couleurs de Jean Dufy, Hazan, septembre 2012, 48 pages, 22x27,5 cm, dans un coffret rembordé, 25 illustrations, 19,90 €

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