Manuel Alvarez Bravo : l’imaginaire et le réel
« Manuel Alvarez Bravo », de Laura Gonzalez Flores, Gerardo Mosquera, Roberto Tejada, Editions Hazan, Paris, 2012, 288 pages, 50 Euros.
Il existe bien sûr du surréalisme dans l’œuvre de Manuel Alvarez Bravo. Mais tout autant un primitivisme et un
géométrisme à la Bauhaus. L’œuvre
traverse les pluralités des approches et des cultures. Le mexicain a détruit
toutes ses premières œuvres, des vues pittoresques dans la droite ligne des
images « bizarres » d’Edward Weston et Tina Mondotti. Très influencé
par Picasso il est parti à la recherche d’une photographie pure qui devait tout
à son langage et non à son sujet. Ces premières photographies de pliages de
rouleaux de papier devinrent donc moins des thèmes que des éléments de
constructions abstraites. Plus tard avec la découverte de l’œuvre d’Eugène
Atget Bravo fit un retour à la problématique de la saisie du réel à travers des prises de la
ville de Mexico.
Son œuvre reste de l’ordre de l’expérimentation plastique. Elle explore la signification d'un certain nombre de mots-clés, tels qu’imagination, image, schèmes, symboles et structuration dynamique. Pour Bravo la photographie par son langage n'est pas une façon de dire autrement, mais un moyen pour dire autre chose. Le " Je peins pour découvrir ce que j'avais à dire " de Michaux peut à ce titre souligner combien le fruit de la création est toujours et inévitablement différent d’un schéma préexistant. L'Imaginaire devient la manifestation et de la réalisation des possibles. S’y produisent les échanges entre les pressions venant de l'extérieur et les pulsions profondes.
Avec l’artiste mexicain - et contrairement aux autres plus belles filles du monde - la photographie peut donner plus que ce qu’elle montre. Elle entérine l’expression d'une réalité jamais vécue jusque-là, ne renvoyant précisément à rien d'antérieur à elle. C’est pourquoi de telles œuvres fascinent, émerveillent comme s’il s’agissait de successions de rêves. Symboliques à leur manière elles offrent le passage d'une réalité présente à une réalité autre qui la dépasse et qui joue autant de l'expansion que de l'effacement. Diurnes ou nocturnes ces images même lorsque des corps y sont couchés instaurent des schèmes d'ascension, de verticalité. Elles captent ce que Proust appelait "un peu de temps à l'état pur».
Jean-Paul Gavard-Perret
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