À la découverte de l’impressionnisme

Les regards évoluent. Il y eut un temps où ils étaient autres. Les jugements étaient sévères sur ce nouveau visage de la réalité proposé par quelques peintres novateurs. Pour notre époque contemporaine, tout a de quoi séduire dans l’impressionnisme et les peintres qui se rattachent à ce mouvement majeur de l’histoire de l’art bénéficient d’une affection particulière. Observer les passages fugitifs des saisons, fixer l’éphémère d’un ciel et la course évanescente des nuages, transcrire les frémissements de la mer, retenir sur la toile les contrastes furtifs que la lumière entretient sur les champs, les ombres de la pluie, les réverbérations de la neige, qui osent peindre cela sinon eux, les impressionnistes, pour que les yeux des autres comprennent ces instants et les apprécient à leur tour.
Il y a dans cette approche une manière de présenter la réalité qui environne chacun qui serait comme un enchantement de vivre

Dans son ouvrage sur les impressionnistes paru en 1956, le critique et historien d’art Claude Roger-Marx notait que Monet était redevable à Eugène Boudin de "son extrême réceptivité à la nuance". Nuances, vibrations, mots importants et presque fondateurs qui seront repris à maintes occasions. Dans cet éventail de douces colorations, rien qui exclut cependant la vigueur de la touche et la force des tonalités. La nature est là, sur la toile, traduite au plus près ou au plus loin selon la sensibilité du regardeur,  car la notion de distance affective, en marge des distances nées de l’espace, prend ici sa part. 

Le plaisir immédiat que procurent les tableaux impressionnistes peut encore être accru, développé, multiplié dès lors que l’on entre davantage dans la connaissance de ces maîtres, de leur vie, de leur style propre, des liens qui souvent les unissent, de la façon enfin dont on appréhende leurs œuvres. Cela implique outre les personnes elles-mêmes, une série de facteurs, techniques, géographiques, historiques, sociaux et financiers qu’il convient de connaître. Car derrière les peintres, il y avait des marchands, des Salons, des critiques, des collectionneurs, un public d’amateurs.
Comment bien voir ce qu’il y a sur et dans ces tableaux, comment les aborder, aller jusqu’à la quintessence ?
Ces pages, en six chapitres principaux, fournissent les clés indispensables pour aller plus loin qu’un banal coup de cœur, pour affiner sa vue devant Le Pont du chemin de fer à Argenteuil de Monet (1874), La Cueillette des pommes de Pissarro (1888), Le Boulevard vu d’en haut de Caillebotte (1880), Le Champ de courses. Jockeys amateurs près d’une voiture de Degas (1876), L’Abreuvoir de Marly-le-Roi de Sisley ou encore Le Déjeuner des canotiers de Renoir (1881).

Marine Kisiel, docteur en histoire de l’art, conservateur au musée d’Orsay et co-commissaire de l’exposition Degas Danse Dessin qui s’est terminée en février dernier, étudie avec autant de simplicité que d’érudition cet univers impressionniste, y met autant de compétence que de finesse. Elle répond aux questions que chacun, du connaisseur au visiteur d’une exposition, se pose sans avoir toujours les réponses et surtout les bonnes réponses : d’où vient ce mouvement, quel apport représente-t-il, qu’exprime-t-il réellement ?
Pourquoi ces cadrages, cette notion d’inachevé parfois, quelle valeur donner aux touches, le sens des séries, par exemple celles de Monet ?
La sphère des célébrités s’agrandit même à d’autres artistes, qui ne valent pas moins et dont les œuvres sont peu ou pas connues, comme Zandomeneghi, John Russell, Joaquín Sorolla ou Max Liebermann.
Une lecture où entrent air et lumière. 

 

Dominique Vergnon

 

Marine Kiesel, Comment regarder l’impressionnisme, 13,5x20 cm, 200 illustrations, Hazan, avril 2018, 280 p.-, 24,90 euros.  

 

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