Merveilles japonaises dans un éventail floral

Ce haïku des quatre saisons serait à placer au seuil de la lecture de cet ouvrage.

Rien d'autre aujourd'hui
que d’aller dans le printemps
rien de plus.


Dans ces pages, le lecteur en effet entre dans une sorte de printemps visuel, quand s’éveillent les plantes, chantent les oiseaux, bourdonnent les insectes. Comme les fleurs, qui vont souvent au plus beau par le plus simple, ces quelques mots suffisent pour dire ce que de longues phrases échouent à exprimer et ce que de grands tableaux surchargés ne sauraient transmettre. Avec les oiseaux, les fleurs sont l’essence même de la nature japonaise. Il n’y a pas entre eux et entre elles de hiérarchie, l’hirondelle est au rang de la mésange, la glycine ne cède pas sa place devant le magnolia, le moineau vaut la bergeronnette, le lys et l’hibiscus et l’oie sauvage comme la grue sont à égalité pour les artistes ; tout est paré des mêmes délicatesses, des mêmes attraits, d’un identique respect.

Edmond de Goncourt, en introduction au petit livret rouge qui accompagne les images, rappelle en 1896 que Katsushika Hokusai (1760-1849) est celui qui « a victorieusement enlevé la peinture de son pays aux influences persanes et chinoises et qui, par une étude pour ainsi dire religieuse de la nature, l’a rajeunie, l’a renouvelée, l’a vraiment faite toute japonaise…et a fait entrer, en son œuvre, l’humanité entière de son pays ». De lui, Hokusai disait : « Depuis l’âge de 6 ans, j’avais la manie de dessiner la forme des objets. Vers l’âge de 50 ans, j’avais publié une infinité de dessins, mais tout ce que j’ai produit avant l’âge de 70 ans ne vaut pas la peine d’être compté. C’est à l’âge de 73 ans que j’ai compris à peu près la structure de la nature vraie des animaux, des herbes, des arbres, des oiseaux, des poissons et des insectes. Par conséquent, à l’âge de 80 ans, j’aurai fait encore plus de progrès ; à 90 ans, je pénétrerai le mystère des choses ; à 100 ans, je serai certainement parvenu à un stade merveilleux et, quand j’aurai 110 ans, tout ce que je ferai, un point, une ligne, sera vivant »

A ses côtés, Utagawa Hiroshige, Kôno Bairei, Ohara Shôson, Izo Sozan et d’autres. Tous regardent les spectacles qui se passent dans les arbres, au-dessus des corolles, parmi les pétales. Ils mettent cela en couleurs. Nous avons ainsi ces dizaines d’estampes qui fixent les instants des rencontres entre animaux et végétaux, que leur talent fait voir au plus près, comme dans une vision rapprochée où chaque détail prend une dimension propre à exalter l’ensemble.  

La classe bourgeoise japonaise, les chônins, raffolait de ces estampes. L’influence des deux maîtres par excellence que sont Hokusai et Hiroshige sera considérable, au Japon et hors de ce pays. Une approche qui, comme l’indique Amélie Balcou, conduit chacun, en l’invitant à conjuguer réalisme et spiritualité,  à s’interroger face aux périls qu’il fait courir à la nature, belle autant que fragile. Le fait de déplier cet ouvrage est en soi une invitation à dérouler ces images, à observer les mises en place et la variété des styles.

Dominique Vergnon

Amélie Balcou, Les fleurs par les grands maîtres de l’estampe japonaise, 56 illustrations, 110 x 160, Hazan, mai 2019, 226 p.-, 22,95 €

 

 

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