Klimt comme vous ne l’avez jamais vu

Fallait l’oser, Hazan l’a fait : un livre en leporello de cette taille avec des extraits de certaines œuvres passés sous la loupe pour mieux apprécier l’ingéniosité de Gustave Klimt qui révolutionna l’art moderne. À trente-cinq ans, en 1897, il renverse la table et impose à la Sécession viennoise, mouvement qu’il préside et auquel il va donner toute son énergie, l’impulsion de la liberté : À chaque époque son art !

S’échappant des canons appris à l’école des arts appliqués, détournant la peinture ornementale et décorative, Klimt va s’affranchir des pratiques dans une Vienne qui n’a de cesse de concurrencer Paris et Berlin dans cette fin du XIXe siècle. Décadente, instable et effervescente, richissime tout autant que misérable, la capitale de l’empire des Habsbourg s’accroche à son archaïsme. Pourtant elle est aussi la ville des Freud, Musil, Kokoschka et Schiele, elle marquera son sceau dans l’Histoire avec la signature de cette Mitteleuropa fascinante et mortifère, cosmopolite et xénophobe, Vienne capitale du kitsch (Hermann Broch) où l’aspiration à la culture fût des plus passionnée (Stefan Zweig).

Klimt suit donc ses pairs allemands qui, en 1892, firent aussi sécession afin de refuser l’esthétique conservatrice et s’attache la maxime de Friedrich von Schiller : Si tu ne peux plaire à tous par tes actes et ton art, plais à peu. Plaire à beaucoup est mal. Il ne faudra pas attendre longtemps pour que Klimt déplaise au plus grand nombre : en 1900, il expose La Philosophie, une composition allégorique commandée par l’université de Vienne, et le scandale éclate ! Il insistera en 1901 avec La Médecine et en 1903 avec La Jurisprudence. Tant de pornographie (sic) atterre le public, on parle d’atteinte aux bonnes mœurs car c’est bien par les beautés érotiques d’une femme fatale que Klimt a décidé d’honorer le programme… Pourtant, si La Philosophie lui vaut une médaille d’or à l’Exposition universelle de Paris en 1900, elle lui coûtera le poste de professeur à l’Académie des beaux-arts de Vienne.
Qu’à cela ne tienne, il se consacra alors pleinement à son art et vécut fort confortablement de commandes privées, car posséder un de ses tableaux devient très vite une marque de prestige dans la bourgeoisie industrielle et financière viennoise.

La femme a toujours été le thème principal de l’œuvre de Gustave Klimt, une forme de monomanie qui l’envoie étudier toutes les formes de l’érotisme plus ou moins prégnant. Toujours une femme mais jamais la même, chacune sa classe sociale, son tableau propre, comme s’il avait souhaité montrer l’avers et le revers de cette Vienne au chant du cygne…
D’un côté des femmes sans corps, des portraits commandés ; de l’autre des femmes-objets, des corps à désirer, des nues allégoriques. Klimt souligne ainsi le pouvoir du regard et invite au questionnement – non moral ou puritain – esthétique ; un peu comme si ses dessins érotiques étaient à prendre comme un hommage aux voyeurs, boutade qu’il aimait sortir quand on lui en faisait la remarque. Tout voir, tout montrer, l’art est liberté.

 

Rodolphe


Valérie Mettais, Klimt, illustrations couleur, 170 x 240, Hazan, novembre 2020, 192 p.- + 1 cahier explicatif sous coffret, 29,95 €

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